L’Aide médicale d’État (AME) permet depuis le 1er janvier 2000 aux étrangerEs sans titre de séjour qui résident en France depuis au moins trois mois d’avoir accès aux soins.
Cet acquis est réduit et pourrait disparaître ! Les modalités d’accès à ce dispositif ont été fréquemment durcies sous le prétexte fallacieux de lutter contre les fraudes. L’État avait prévu une augmentation du budget de l’AME de 133 millions d’euros, mais le Sénat vient de voter fin novembre 2022 une réduction de 350 millions d’euros prétendant des dépenses trop élevées alors que l’AME ne représente que 0,5 % du budget de la branche maladie de la Sécurité sociale. Les associations membres de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE)1 ont publié un rapport portant notamment «sur les conséquences désastreuses d’une telle réduction ». Si l’Assemblée nationale vote les mêmes dispositions que le Sénat, le dispositif sera limité à la vaccination, aux maladies graves, aux urgences, et aux soins pour les personnes mineures ce qui reviendrait en fait à supprimer l’AME. Cette régression serait un non-sens sur le plan de la santé publique, une stupidité économique et une faute éthique majeure ! Cette obsession de la disparition de l’AME, vieux combat de l’extrême droite, fait écho à la prochaine loi sur l’immigration concoctée par Darmanin.
Un dispositif insuffisant
Les personnes sans titre de séjour ont peu d’informations sur leurs droits. Après cinq années ou plus de résidence en France, 35 % des sans-papiers ne bénéficient pas de droits à l’AME. 94 % des femmes enceintes qui ont consulté dans un des centres de Médecins du Monde n’ont pas de couverture maladie. Le pourcentage des personnes souffrant du VIH ou de la tuberculose est largement supérieur aux chiffres nationaux. Les taux de vaccination sont faibles dans un contexte où les maladies infectieuses sont nombreuses. Les bulletins épidémiologiques sur des populations migrantes vivant dans des centres d’hébergement ou reçus dans des Permanences d’accès aux soins de santé (PASS) constatent une grande dégradation de la santé physique et psychique, davantage d’épidémies, un niveau de suivi natal très insuffisant avec des risques de décès maternels...
Un système discriminatoire
Les bénéficiaires de l’AME sont encore moins bien traités que ceux de la Complémentaire Santé Solidaire (C2S), qui remplace la CMU-Complémentaire. Ils n’ont pas le droit à la prise en charge des frais de traitement et d’hébergement des personnes handicapées y compris des enfants, à la prévention bucco-dentaire des enfants, aux indemnités journalières, au dépistage gratuit du cancer du côlon et du col de l’utérus. Le remboursement des prothèses dentaires et des lunettes est plus faible que celui de la C2S. Certains soins (prothèses, kiné, opération de la cataracte...) sont conditionnés au bénéfice de l’AME depuis 9 mois. Même pendant les pandémies, la personne qui demande à bénéficier de l’AME doit se présenter personnellement dans un centre de Sécu pour déposer le dossier et revenir plus tard pour recevoir la carte AME renouvelable chaque année.
Répondre aux fantasmes, rumeurs et instrumentalisations politiques
Au lieu de rechercher les fraudes très rares en réalité — 54 cas identifiés en 2014, 38 en 2018 —, les organismes de Sécu devraient s’attaquer aux difficultés d’accès à l’AME des précaires en raison de la complexité du système. Restreindre l’AME ne peut que favoriser la contagion des maladies infectieuses. Des études montrent que les migrations pour raisons de santé sont très rares. Le « tourisme médical » n’est pas pratiqué par des sans-papiers mais par de riches étrangers.
Une solution : « Le 100 % Sécu pour tous et toutes ! »
« La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain » (Constitution de l’OMS). Pour cela chacunE doit bénéficier quel que soit son statut administratif et sans délai de carence du 100 % Sécu, sans avance des frais, sans ticket modérateur, forfait et franchise, afin d’accéder à l’éducation à la santé, la prévention et aux soins de ville et à l’hôpital. « Une même carte vitale pour tous et toutes », c’est une nécessité.
- 1. Observatoire du droit à la santé des étrangers : https ://www.odse.eu.org/