Publié le Mardi 15 juin 2021 à 19h33.

L’hôpital en mauvaise santé

Le recul de l’épidémie ne signifie aucunement la fin des difficultés que rencontrent personnels et patientEs de l’hôpital.

Les plans blancs sont levés au fur et à mesure de la diminution du taux d’occupation des lits en réanimation et, plus généralement, parce qu’il n’y a plus d’admissions massives de patientsE. C’est maintenant aux patientEs qui n’ont pas pu se faire correctement soigner durant l’épidémie d’être accueilli à l’hôpital. Et il y embouteillage ! Rappelons que, selon les étapes de l’épidémie, entre 25 et 60% des activités ont été reportées dans les hôpitaux…

Quelle situation dans le secteur de la santé ?

En termes de capacités d’admissions, la situation est identique à celle du printemps 2020.

Aucun lit supplémentaire n’a été créé. Le manque de personnel est toujours aigu. En un an, des milliers d’aides-soignantes auraient pu être formées pour faire face aux futurs besoins. Dans les faits, les formations internes qui pourraient permettre aux agentEs de service hospitalier (ASH) de devenir aides-soignantes ou aux aides-soignantes de devenir infirmières sont attribuées au compte-gouttes. Des fermetures de lits sont toujours envisagées comme les 300 suppressions de lits prévues par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris à l’occasion de la fusion des hôpitaux Bichat et Beaujon. En psychiatrie, avec la fermeture programmée de nombres d’unités de patientEs chroniques au profit du médico-social, ce sont des centaines de lits qui vont disparaître et les postes y afférents. Les conditions de travail sont toujours aussi déplorables. S’il y a un nouvel afflux massif de patientEs dans les hôpitaux, les mêmes causes produiront les mêmes effets.

Incurie gouvernementale

La cerise sur le gâteau aura été la panne des numéros d’urgence début juin. Ces numéros gérés informatiquement par des opérateurs téléphoniques privés, comme Orange, ne sont pas sécurisés. La sécurisation de ces numéros essentiels pour la population nécessite des investissements lourds, ce qui est contradictoire avec les intérêts de ces entreprises qui ne pensent qu’à gagner des parts de marché. Résultat : des morts évitables.

Le gouvernement, avec ses « Ségur » a augmenté les salaires de certaines catégories de fonctionnaires hospitaliers. Comme il sait si bien le faire : de façon inique. AucunE contractuelE ne bénéficiera de ces augmentations (rappelons qu’il y a des professions occupées, selon les hôpitaux, par jusqu’à 40 % de contractuelEs). Par ailleurs, de nombreuses professions sont exclues de ces rallonges : les ASH, les assistantes sociales ou en encore les personnels ouvriers et administratifs, diététicienEs, technicienEs de labos… Le médico-social ne verra pas d’augmentation non plus. Il s’agit là d’une tentative de division du personnel hospitalier.

La colère gronde

Il n’est pas sûr que le gouvernement parvienne ainsi à calmer la colère qui gronde dans les hôpitaux. L’argent n’achète pas tout. Ça et là des services entrent en lutte comme le service des urgences de l’hôpital Avicenne de Bobigny (93) en grève pour réclamer d’avantage de moyens.

Le 10 juin a été l’occasion d’une mobilisation nationale des psychologues hospitaliers. Face à de nouvelles mesures prises par le gouvernement, sans concertation, comme le projet de création d’un conseil national d’un ordre des psychologues ou le passage imposé chez un médecin avant consultation du ou de la psychologue pour un remboursement de la sécurité sociale. Les psychologues se sentent menacés de dépossession de leur autonomie professionnelle. Des centaines de professionnelEs se sont réunis devant les hôpitaux ou les Agences régionales de santé (ARS) dans de nombreuses villes du pays. Pour nombre d’entre elles et eux, c’était la première fois de toute leur carrière qu’ils et elles descendaient dans la rue.

Citons aussi l’Unité pour malades difficiles (UMD) de Cadillac en Gironde qui s’est mise en grève durant une semaine du 12 au 18 mai pour dénoncer la mise en cause du statut d’UMD de cet hôpital psychiatrique. Une « manipulation » dont le but est de diminuer le nombre de lits pour récupérer des ETP (équivalents temps plein) et ainsi « boucher les trous dans les effectifs sans embaucher ».

Rien n’est réglé

Dans le privé également il y a des luttes comme à la clinique Rive-Droite à Lormont en Gironde, où travaillent 400 personnes. Le 17 mai, le personnel s’est mis en grève pour obtenir des augmentations de salaires et des embauches en criant haut et fort que « les héros sont KO ». Ou encore à la clinique Saint-Vincent de Besançon où 150 personnes sur 400 ont fait deux jours de grève pour prévenir le énième acheteur de l’établissement qu’elles et ils n’accepteront aucune remise en cause ni de leurs avantages ni de leurs salaires. Des garanties leur ont été apportées en ce sens par la direction.

Comme on le constate, rien n’est réglé dans la santé publique ou privée. Les applaudissements du printemps 2020 ont exprimé un soutien populaire, lequel a été dévoyé par le pouvoir pour cacher ses responsabilités dans la destruction du système de santé publique. Cette destruction continue. Les luttes aussi, même si l’on ne peut que déplorer qu’elles soient menées en ordre dispersé.