Le débat parlementaire risque d’être plus difficile que ne l’avait prévu le pouvoir.
Dans un contexte de remobilisation sociale générale autour de la journée du 29 janvier, des luttes se développent, pour la première fois depuis 2002, au sein même des établissements hospitaliers, comme c’est le cas actuellement au CHU de Besançon et dans toute la Franche-Comté (lire encadré). Malgré le peu d’enthousiasme des dirigeants des fédérations syndicales à organiser la riposte, l’exigence d’une mobilisation nationale contre la loi Bachelot et pour la défense des conditions de travail, des emplois et des statuts grandit parmi les personnels de santé, face aux « plans de retour à l’équilibre », aux suppressions d’emplois et à la remise en cause des 35 heures.
L’argument de la maîtrise nécessaire des dépenses de santé perd beaucoup de sa crédibilité parmi les salariés. Les 10,5 milliards de déficit de la Sécurité sociale correspondent exactement au montant du second cadeau de Sarkozy aux banques, lequel s’ajoute aux centaines de milliards déjà « mis à disposition » des patrons de la finance et de l’industrie.
Pour transférer une partie des activités de l’hôpital vers le secteur privé, qu’il soit libéral (médecine de ville), commercial (cliniques privées) ou associatif (secteur médico-social), la loi Bachelot se dote de trois outils principaux. Elle abolit toute distinction entre établissements ublics et établissements privés commerciaux1, elle remplace les agences régionales de l’hospitalisation par des agences régionales de santé et, enfin, elle organise le premier recours du patient autour de la médecine libérale.
Les nouvelles agences régionales de santé (ARH) vont élargir le champ d’action des actuelles agences régionales de l’hospitalisation (ARH). Ces dernières, créées par le plan Juppé de 1996, organisent et attribuent les enveloppes budgétaires au secteur hospitalier. En douze ans, ces agences ont profondément restructuré le secteur hospitalier en regroupant des établissements et en attribuant les secteurs les plus rentables aux cliniques privées commerciales (lire à ce sujet les encadrés sur Carhaix et Besançon).
Les nouvelles ARS auront maintenant également compétence sur la médecine de ville et le secteur médico-social, et elles en assureront le financement. Leurs directeurs pourront donc, c’est le but que leur assigne Roselyne Bachelot, puiser dans les enveloppes budgétaires déjà insuffisantes des hôpitaux pour financer la médecine de ville libérale, et notamment les « maisons médicales » ainsi que le secteur médico-social dont le grand avantage, aux yeux du gouvernement, est de coûter moins cher et d’être financé par les collectivités territoriales. La gériatrie et la psychiatrie sont particulièrement concernées.
Face aux difficultés d’assurer une permanence des soins sur le territoire, le pouvoir est contraint d’apporter une réponse en annonçant la création de « maisons médicales » de professionnels libéraux censés assurer les soins de « premier recours ». Le véritable besoin d’un service public de santé, plus large que l’hôpital et s’appuyant sur un réseau de centres de santé, est doublement dévoyé. Tout d’abord parce que ces maisons médicales reproduiront les défauts de la médecine « à l’acte ». Elles seront d’un accès coûteux et nécessiteront une avance de fonds souvent dissuasive. Mais surtout, une « maison médicale » ne remplacera jamais des services d’urgence, de chirurgie ou une maternité.
1. « Un établissement n’a pas besoin d’être public pour assurer un service public de santé, il doit simplement en respecter les exigences. » Roselyne Bachelot (Quotidien du médecin, 25 mars 2008).