Pour celles et ceux qui, jusqu’alors renoncent, pour des raisons financières, à des lunettes et/ou à des prothèses dentaires, c’est une bonne nouvelle. À partir du 1er janvier le dispositif « 100 % santé » annoncé lors de la campagne présidentielle entre en application. Il sera complété en janvier 2021 pour les prothèses auditives. Il y a pourtant une « face obscure » à cette mesure : elle marque un nouveau pas vers un système de soins dominé par les assurances.
Dès cette semaine, les dentistes et les opticiens doivent proposer des modèles de lunettes et de prothèses dentaires sans « reste à charge » pour les patientEs : l’ensemble des frais pour des modèles « de base » seront couverts par l’Assurance maladie et les assurances complémentaires. Cette décision est toutefois assortie de restrictions : elle ne concerne pas les 5 % de personnes les plus précaires qui n’ont pas de complémentaire santé (34 % de la population en Seine-Saint-Denis) ; les dentistes sont tenus de mentionner l’existence de l’offre « 100 % santé », mais ne le sont pas de réaliser les actes. En optique, 17 modèles différents de montures adultes et 10 modèles de montures enfants, ainsi que des verres traitant l’ensemble des troubles visuels, devront être proposés. Les patientEs souhaitant s’équiper d’audioprothèses devront pour leur part attendre encore une année pour bénéficier de modèles « sans reste à charge » ; ils et elles devront pour l’instant se contenter d’une réduction de 250 euros.
100 % santé ou 100 % Sécu ? Là est la question
Singeant la revendication du « 100 % Sécu », c’est-à-dire de soins gratuits, financés par la Sécurité sociale, Macron a baptisé son dispositif « 100 % santé », ce qui n’a littéralement aucun sens, mais montre bien où est l’arnaque.
Le 100 % Sécu signifierait que la Sécurité sociale qui, jusqu’à présent, ne rembourse presque rien dans ce domaine, finance désormais l’accès de tous et toutes à des lunettes et des prothèses de qualité (ce qui ne signifie pas des produits « de luxe »).
Il ne peut évidemment en être question pour Macron. Son objectif est au contraire la baisse des cotisations sociales payées par les employeurs, même si, pour assurer le lancement du dispositif, la Sécu fera un versement symbolique de 100 millions d’euros. Son « 100 % santé » s’inscrit dans un basculement du système de santé vers des réseaux de soins privés dominés par les assurances (mutuelles ou commerciales). Les conséquences seront doubles : l’augmentation des tarifs des mutuelles et le creusement des inégalités de santé.
Le « reste à charge » individuel disparait certes, mais c’est pour laisser la place à un « reste à charge » collectif financé par les hausses à répétition des assurances complémentaires, et non par des cotisations sociales, élément du salaire payé par les employeurs. Dans une enquête publiée en 2017, l’UFC-Que choisir dénonçait déjà la hausse de 47 % des tarifs des mutuelles en 10 ans, conséquence du désengagement de la Sécurité sociale. Ces hausses vont se poursuivre quand les complémentaires répercuteront les coûts pour elles du « 100 % santé ». Les engagements de Macron et Buzyn dans ce domaine ne valent pas plus qu’ailleurs…
Seconde conséquence de ce basculement vers les assurances : chacunE sera traité non à égalité, en fonction de ses besoins, mais d’après le « panier de soins » qu’il est capable de s’offrir. De nouvelles « avancées ».... vers une santé à plusieurs vitesses, où chacunE se soigne selon ses moyens.
Jean-Claude Delavigne