Publié le Mercredi 7 octobre 2020 à 11h30.

Malgré la crise sanitaire, le budget de la Sécu soumis à l’austérité

Les grandes lignes du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021 ont été présentées le 29 septembre par le ministre des Solidarités et de la Santé et par celui des Comptes publics. Les dépenses vont augmenter considérablement mais la présentation gouvernementale est en trompe-œil, car celles consacrées à la santé et à l’action sociale vont une fois de plus diminuer.

En pleine crise sanitaire, le gouvernement ne pouvait tout de même pas exiger des acteurs du système de santé qu’ils respectent l’Objectif national de dépenses de santé (Ondam), un instrument créé en 1996 qui a pour fonction d’endiguer les dépenses sanitaires et sociales sans prendre en compte l’intégralité des besoins de la population dans ce domaine. Le dispositif d’alerte prévu par la loi pour prendre des mesures « de maîtrise de dépense » afin que les prévisions budgétaires ne soient pas dépassées n’a pas été mis en œuvre.

« Rétablir l’équilibre des comptes sociaux » ?

Les dépenses de 2020 de l’ensemble des branches et des régimes de sécurité sociale s’élèveraient selon les dernières estimations du PLFSS à 534,2 milliards d’euros et les recettes à 488,1 milliards, soit un « déficit » d’un montant sans précédent : 46,1 milliards. La part la plus importante du « trou » provient de la branche maladie (29,8 milliards) en raison des dépenses engendrées par la crise sanitaire (indemnités journalières d’arrêt maladie, remboursement de masques, des tests et de matériel estimés à 15 milliards). Mais cette somme n’est pas exorbitante, et sans les cadeaux au patronat le budget de la sécurité sociale serait largement excédentaire. Les exonérations de cotisation sociale en 2019 se sont élevées à 68,8 milliards d’euros1 et, depuis la loi de finance de la Sécu pour 2020, l’État n’a plus l’obligation de les compenser. Néanmoins Olivier Véran, le ministre de la Santé, prétend réfléchir aux moyens de « rétablir l’équilibre des comptes sociaux ».

Quatre milliards d’économie au détriment des assuréEs sociaux

Alors que les hôpitaux manquent de moyens humains et financiers, que les allocations familiales laissent dans la misère de nombreux enfants, que le minimum vieillesse est de 903 euros par mois pour une personne vivant seule... l’obsession du gouvernement, comme de ses prédécesseurs, est de réaliser des économies

Olivier Véran a déclaré à la presse que « [ce] PLFSS est une réponse à la crise, mais aussi un PLFSS résolument tourné vers l’avenir. » Mais à l’avenir de qui pensait-il ? Selon les dispositions de la loi relative à la dette sociale et à l’autonomie, votées le 7 août 2020, 136 milliards d’euros seront transférés à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) pour épurer d’ici 2033 la dette imputée à la pandémie, à la crise économique et à la création d’un organisme dédié à l’autonomie. Les ressources de la CADES2 (CSG et CRDS3) sont prélevées essentiellement sur les revenus des salariéEs et retraitéEs. Seize milliards leur sont ainsi ponctionnés chaque année avant d’être placés sur les marchés financiers.

Les mesures annoncées par le gouvernement

Véran, qui exerçait la médecine, s’est présenté comme « le ministre de l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale ».Pour réduire les dépenses il veut « structurer l’offre de soins […] dans la continuité des actions des dernières années ». Ainsi, il continue de fermer des lits dans les hôpitaux, avec pour alternative le développement des « soins ambulatoires ». Il s’agit en fait de réduire la place du service public pour augmenter celle des établissements privés sous la coupe des grands groupes capitalistes, en creusant ainsi les inégalités de santé. C’est dans ce cadre que s’inscrit le nouveau financement de la psychiatrie qui entrera en vigueur en 20214. La politique de « maîtrise des dépenses » de santé va reprendre et probablement s’intensifier car les ministres ont refusé de donner des chiffres lors de la conférence de presse de présentation du PLFSS. Ils prétendent agir sur « la pertinence et l’efficience » des arrêts de travail, des transports sanitaires, des actes de kinésithérapie, des soins infirmiers, des actes de biologie. Le pouvoir a annoncé qu’il allait mettre à contribution les complémentaires santé par une surtaxe de 1,5 milliard d’euros. La plupart des mutuelles et assurances ont annoncé qu’elles répercuteraient ce manque à gagner sur le montant des cotisations.

Les dépenses de la branche vieillesse ne devront pas augmenter de plus de 2 % entre 2020 et 2021. De plus, un rapport rédigé à la demande du gouvernement veut faire financer la « 5e branche de la Sécu » sur l’aide à l’autonomie par les retraitéEs eux-mêmes, notamment par une nouvelle augmentation de la CSG qui passerait de 8,3 à 9,2 % et par une imposition des plus pauvres en réduisant le plafond des revenus qui permet un abattement de 10 % de l’impôt sur les revenus.
Loin des discours de Macron, la santé et la sécurité sociale ne sont pas des coûts ou des charges. Il est primordial de se battre pour que toute la population sans exclusive ait droit au remboursement de tous les soins et traitements à 100 %, et à la prise en charge des périodes sans emploi (maladie, retraite, chômage...) sans perte de salaire.

  • 1. Rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale en 2019.
  • 2. Caisse d’amortissement de la dette sociale.
  • 3. Contribution au remboursement de la dette sociale.
  • 4. Lire l’interview en dernière page.