C’est aujourd’hui dans les bureaux du Medef que s’élabore, pour l’essentiel, la politique du gouvernement Hollande. Aussi, la publication, par l’organisation patronale, d’une « contribution à la stratégie nationale de santé » (1), programme détaillé d’une contre-réforme de l’assurance maladie et de l’hôpital doit retenir toute notre attention...
Dans ce document, le patronat avance, pour 2017, un « projet-cible » de privatisation de la santé. S’appuyant sur les brèches déjà ouvertes, il définit également un programme de 22 mesures immédiates pour y parvenir.
La stratégie des « 3 piliers » Pour le Medef, il est nécessaire de passer du « modèle étatique » actuel (un terme particulièrement mal choisi, puisque la Sécurité sociale reste à l’heure actuelle une institution autonome de l’État, financée par des cotisations sociales et non par les impôts), reposant essentiellement sur un « pilier » public, à un modèle « concurrentiel » s’appuyant avant tout sur des assurances et des cliniques privées. Jugeant toutefois que « les acteurs publics et privés ne paraissent pas à ce stade suffisamment préparés », le Medef définit pour l’immédiat un « modèle réaliste », étape intermédiaire de la privatisation.La Sécurité sociale (« pilier » public aujourd’hui encore prépondérant) devrait désormais se cantonner au remboursement d’un « panier de soins » très réduit assurant une couverture minimum. Les assurances constitueraient alors les deux « piliers » déterminants de la couverture maladie. Elles couvriraient de manière obligatoire les salariéEs du secteur privé, au-delà du minimum assuré par la Sécurité sociale (deuxième pilier). S’y ajouterait un « troisième pilier », une assurance volontaire et individuelle, pour ceux qui auront les moyens de s’offrir le luxe d’une assurance dite « surcomplémentaire ». Ainsi s’ouvrira largement un marché de l’assurance et de l’hospitalisation privée qui, comme celui de l’industrie pharmaceutique, a vocation à s’étendre et à être source de profits et de dividendes pour les actionnaires.
Le programme de la privatisationLes 22 mesures proposées par le Medef s’inscrivent dans cette perspective : relevons ici quelques-unes des plus scandaleuses.Concernant l’hôpital public, il faudra selon le document « recentrer l’hôpital sur la prise en charge des cas lourds et complexes et les urgences avérées ». Ainsi, l’hôpital se cantonnerait aux missions de service public, aux actes lourds, non rentables. Le secteur privé pourrait exploiter à sa guise les « segments » les plus lucratifs (notamment la chirurgie « ambulatoire », celle qui ne nécessite pas de séjourner à l’hôpital). Pour le Medef, ce « recentrage » doit s’accompagner de la suppression massive de lits hospitaliers, avec à la clé la disparition de milliers d’emplois publics. Le Medef préconise la mise en concurrence stricte du public et du privé par la « convergence tarifaire » entre les deux secteurs, et l’autonomie complète des établissements publics qui, s’ils sont « déficitaires », doivent être mis en « quasi-faillite » (sic !) et pourront ainsi être « repris » par des groupes privés. Le Medef met aussi lourdement l’accent sur la « responsabilisation » financière du patient. Il entend dissuader les malades d’accéder aux soins par des obstacles financiers lourds (« jour de carence » ou un forfait trimestriel de 10 euros non remboursable). Si aujourd’hui le patronat se sent des ailes pour avancer des projets aussi scandaleux, c’est que, après Chirac et Sarkozy, le gouvernement « socialiste » s’inscrit déjà très largement dans cette logique de privatisation de la santé. Il faut en faire connaître les dangers pour créer des mobilisations des personnels hospitaliers et des usagers qui, telles les « marées blanches » dans l’État espagnol, pourrons imposer des reculs au gouvernement.
J.C. Delavigne 1– http://www.medef.com/medef-tv/actualites/detail/article/il-est-urgent-de-changer-de-cap-pour-ameliorer-lefficience-du-systeme-de-sante.html