Publié le Mercredi 29 avril 2020 à 08h33.

Pour des lendemains écosocialistes !

Aucune conversion écologique ou sociale n’est à espérer de Macron, de son gouvernement et des capitalistes en général. On ne peut que redouter une nouvelle offensive à la fois productiviste, au nom de la relance de la sacro-sainte économie, austéritaire, au nom de l’équilibre budgétaire et de la dette à rembourser, répressive et sécuritaire, au nom d’une pseudo vigilance sanitaire. Mais comme le dit Naomi Klein « la fin de cette histoire n’est pas encore écrite ». La militante, auteure de la Stratégie du choc, reprend une citation de Milton Friedman, un économiste libéral des plus extrêmes : « Seule une crise, réelle ou perçue, produit de véritables changements. Lorsque cette crise survient, les mesures prises dépendent des idées qui traînent dans l’air ». Aux écosocialistes de mettre leurs idées « dans l’air », de montrer qu’elles seules peuvent répondre aux différentes crises.

Ce que nous apprend la pandémie

Le premier enseignement, c’est que les bourses peuvent chuter, que des pans entiers de la production et de la consommation peuvent s’arrêter, mais qu’on ne peut arrêter de prendre soin les unEs des autres. Il faut donc mettre au centre toutes les activités qui consistent à soigner et prendre soin. Il s’agit de (re)contruire un système de santé public, gratuit, financé par une protection sociale gérée démocratiquement, des services publics d’accueil et de soin des personnes âgées et/ou dépendantes, des crèches... Mettre au centre ces activités, c’est reconnaître la place du travail des femmes, rémunéré ou non, en entreprises ou au foyer.

Si la pandémie exige une approche dans toutes ses composantes, biologique, environnementale et sociale, il en va de même pour l’ensemble de nos vies. Les protéger ce n’est pas seulement soigner, c’est aussi assurer à touTEs une alimentation, de l’air, de l’eau, des logements... qui ne rendent pas malades. Il faut en finir avec la destruction des écosystèmes, laisser de la place à des milieux naturels moins ou non anthropisés et en particulier protéger les forêts tropicales et équatoriales.

Nos vies…

Une alimentation saine est aussi bonne pour le climat car sans intrants chimiques, sans destruction des sols, sans déforestation, qui sont des gros émetteurs de gaz à effet de serre (GES). Moins carnée, elle permet d’en finir avec l’industrie de la viande. Il est urgent de stopper la dictature de l’agrobusiness et de lui substituer une agriculture paysanne, diversifiée et complexe, constituée de polycultures et d’élevages locaux.
Pour améliorer la qualité de l’air, rien de plus efficace qu’une réduction drastique de la circulation automobile. Mais hors confinement ce n’est possible qu’avec un choix radical en faveur des transports collectifs, à la fois gratuits, adaptés en maillage, en horaires, et en faveur du vélo, de la marche à pied. Cela suppose un autre aménagement du territoire en ville comme à la campagne.

Lutter contre le changement climatique oblige à ne pas dépasser les 1,5 °C d’augmentation de la température moyenne de la Terre. Cela impose une réduction drastique des émissions de GES, donc de l’usage des énergies fossiles. Même avec un fort développement des renouvelables, une réduction massive de la consommation globale d’énergie est incontournable. Celle-ci n’est possible qu’avec une réduction de la production matérielle et des transports.

L’essentiel des transports de marchandises n’ont aucun intérêt collectif, ne visent qu’à la mise en concurrence des salariéEs, ils doivent diminuer radicalement et ceux qui sont nécessaires doivent privilégier le rail et le fleuve.  

Les dernières semaines nous enseignent que dans la masse des marchandises produites, il en est d’indispensables, d’utiles, de moins utiles et aussi des totalement inutiles voire nuisibles. Mais en vertu du credo capitaliste « Les pertes tu socialiseras et les profits tu privatiseras », l’État s’apprête à accorder des milliards aux grands groupes parmi les plus consommateurs d’énergies fossiles et les plus émetteurs de gaz à effet de serre, comme le transport aérien ou le secteur automobile... C’est exactement l’inverse qui est à l’ordre du jour : une transformation radicale de l’appareil productif. Il faut stopper les productions inutiles et dangereuses, à commencer par l’industrie d’armement, le nucléaire, de nombreux secteurs de l’industrie chimique, arrêter les stratégies d’obsolescence, engager réellement une démarche de zéro-déchet, interdire la publicité, machine à fabriquer de faux besoins… Poser la question des biens et services qui doivent être produits, où, comment, dans quelles conditions, sans léser les travailleurEs des secteurs impactés.   

… pas leurs profits

Des secteurs indispensables comme la pharmacie, la recherche ou l’énergie, l’eau, l’information, le logement ou les transports… doivent être socialisés, libérés de la logique du profit des actionnaires. Des productions doivent être reconverties pour satisfaire les besoins réels, fabriquer des biens utiles, durables, réparables, recyclables… Aucune confiance en l’État pour des choix égalitaires et écologiques, l’histoire d’EdF ou d’Elf nous ont enseigné que des sociétés nationalisées sont capables du pire nucléaire, impérialiste… La gestion de la pandémie a montré l’enrôlement néolibéral de l’État et des administrations. L’organisation de la production et des services doit être reprise en main par les salariéEs en relation avec les usagerEs qui doivent pouvoir déterminer ce qu’il faut produire, démocratiquement, par la délibération collective. Pour cela, c’est tout le secteur bancaire et financier qui doit être socialisé et autogéré. C’est une composante essentielle d’une démocratie réelle, par en bas, permettant de décider dans les entreprises comme dans les villes, quartiers et communes et de planifier à tous les niveaux nécessaires.

Travailler et produire moins, partager plus !

La crise économique amorcée avant la crise sanitaire est aujourd’hui d’une ampleur colossale, faisant peser la menace d’une explosion du chômage et de la pauvreté. La sempiternelle promesse des capitalistes, « la croissance d’abord, les emplois et donc la satisfaction des besoins suivront naturellement » est un leurre mortifère.

Remettons les choses à l’endroit : 1 – De quoi avons-nous besoin ? 2 – Comment répartir le travail nécessaire pour y répondre ?
Face à la menace d’un appauvrissement massif, la gratuité est la garantie d’un accès inconditionnel et égalitaire à la santé et à l’éducation, à l’eau et l’énergie pour les consommations de base, aux transports du quotidien… Elle doit être étendue à l’alimentation, au logement et aux moyens de communication…

Moins de production doit signifier plus de temps libre, plus de temps pour soi et non la menace du chômage et de la misère. Pour cela il faut réduire massivement le temps de travail, hebdomadaire et au cours de la vie, donc abaisser l’âge de la retraite. Il faut partager le travail, tout le travail utile, qu’il soit salarié – pour ne pas perdre sa vie à la gagner – ou gratuit – donc le partage des tâches domestiques.