Malgré le manque de médecins, des milliers de praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) risquent de se voir, au 31 décembre, privés de leur autorisation d’exercer en France, alors qu’ils font tourner les hôpitaux depuis des années !
Depuis les années 1980, les Padhue servent de variable d’ajustement aux directeurs des hôpitaux pour pallier les difficultés de recrutement en ces temps de démantèlement du service public. Libéralisme oblige, depuis janvier 2021 les praticiens hospitaliers du public ont la possibilité de mener une double vie dans le privé. À la clé, une fuite conséquente vers l’eldorado libéral et près de 15 000 postes de praticiens hospitaliers vacants dans les hôpitaux publics. Alors les directeurs recrutent des FFI (faisant fonction d’internes), précaires et révocables, qui candidatent depuis le pays où ils ont obtenu leur diplôme.
Des besoins de santé jamais satisfaits
Pour accéder à l’autorisation de plein exercice de la médecine en France, les Padhue ont deux obstacles : l’Ordre des médecins et le ministère de la Santé. Un vrai parcours du combattant ! D’abord une épreuve de validation des connaissances, puis un parcours de consolidation des compétences, puis une Commission nationale d’autorisation d’exercice ! Conséquence l’Ordre ne recense que 850 inscriptions ordinales annuelles par cette voie. En attendant ce précieux sésame, officiellement, les Padhue signent par délégation du chef de service. Belle hypocrisie ! En réalité, elles et ils tiennent les hôpitaux, en autonomie complète, gardes comprises. Mais pour des salaires de misère ! Les FFI touchent en moyenne 1535 euros net par mois, et doivent faire la course tous les six mois à la préfecture. Intolérable. « C’est simple ! Dès que je finis ma garde, je file à la préfecture », soupire ce FFI seniorisé de région parisienne.
Depuis 2021, le statut de praticien attaché associé (PAA) a permis aux FFI d’accéder à des contrats plus longs, et à un salaire de 2 620 euros mensuels net. Ce statut a été mis en voie d’extinction fin 2023. L’immigration choisie — synonyme « sélectionnée par concours » — est passée par là ! Elles et ils vivent sous le régime du « Contrat non renouvelé, droit au séjour non prolongé » ! Elles et ils sont nombreux à avoir reçu un avis de leur direction hospitalière annonçant leur non-renouvellement !
Sous pression des Padhue, le ministère a bien mis en œuvre en 2021 une solution sur dossier ! Ainsi, 4 000 Padhue ayant exercé deux ans avant juillet 2021 ont accédé au statut de praticien associé, conduisant au plein exercice. Cette loi « du stock », tous les Padhue s’en souviennent : ils sont restés en poste là où ils ont reçu l’onction de leur chef de service.
Quant au concours, seulement 550 postes de praticien associé en médecine générale ont été offerts en 2023 ! Et moins encore la dernière fois en 2021 !
Alors, que font les directions d’hôpitaux ? Par temps d’austérité libérale et d’état d’urgence sanitaire, le processus d’embauche des FFI n’a jamais cessé !
Un ministère aveuglé par le monde de Darmanin
Le 29 novembre, deux organisations de Padhue, Ipadecc (Intégration des Praticiens à diplôme étranger engagés contre la crise) et Supadhue (Syndicat unifié des praticiens à diplôme hors Union européenne), représentant plus de 500 adhérentEs, ont manifesté avec l’appui de l’UFMICT-CGT (Union fédérale des médecins, ingénieurs, cadres et techniciens-CGT )devant le ministère. « Ces 2 000 Padhue dont le statut est en voie d’extinction bossent ici, vivent ici, restent ici ! », ont-ils tonné au ministère et dans la presse.
La référente Padhue au ministère a promis une revoyure avant le 31 décembre, promesse à ce jour non tenue…
Le 18 décembre, jour où le nom des Praticiens attachés associés exclus des EVC 2023 est connu, est un jour noir pour 80 % d’entre eux. Un nouveau préavis de grève et un sit-in devant le ministère est prévu le jeudi 21 décembre, avec la détermination pour qu’ils et elles obtiennent un statut sur dossier et pas un concours conçu pour exclure.