Le 14 avril, par 311 voix contre 241, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi de « modernisation du système de santé ». Marisol Touraine, la ministre de la Santé, pouvait « tweeter » sa satisfaction du vote de ce texte par une « belle majorité de gauche » (PS et EÉLV), malgré l’abstention de députés du PRG et le vote contre de ceux du PCF.
Avoir réussi à faire adopter un texte qui marque une nouvelle étape dans la privatisation de la Sécurité sociale et dans le démantèlement de l’hôpital public, cela sans que les enjeux en soient largement perçus, est un motif de satisfaction pour ce gouvernement. En cela, il a été aidé par la mobilisation réactionnaire contre le tiers payant1 orchestrée par les syndicats de médecins libéraux, et relayée par la droite au Parlement.
La généralisation du tiers payant en 2017, ainsi que l’adoption de quelques mesures positives de santé publique, ont servi d’emballage « de gauche » à une loi qui ne fait que prolonger et aggraver la loi Bachelot et qui s’inscrit dans la politique d’austérité de Hollande-Valls.
Un tiers payant peut en cacher un autre... Tel qu’il a été posé dans le débat parlementaire, le débat sur le tiers payant a servi à masquer l’essentiel : au bout du compte, qui financera les soins ? La Sécu ou les assureurs ? Le tiers payant doit favoriser la gratuité des soins pour tous (grâce à la Sécurité sociale) et non être un avantage accordé aux clients des assureurs. Ceux-ci (mutualistes et commerciaux) ont compris où était la faille, et ont donc proposé d’organiser eux-mêmes le tiers payant. Pour l’instant, cette solution n’a pas été retenue par le gouvernement, mais qu’en sera-t-il demain quand les assureurs deviendront le principal financeur des soins hors hôpital en raison de la diminution des remboursements de la Sécu ?
Peu de temps pour préparer la suite
L’absence de toute campagne et de toute mobilisation visible du mouvement ouvrier contre la loi Touraine, qui ne fut même pas mentionnée dans les appels aux manifestations du 9 avril, a permis au gouvernement d’occulter le sens de ce texte, et a ainsi laissé la place à la seule mobilisation des médecins libéraux.
Les articles clés de la loi, qui suppriment toute distinction entre la Sécurité sociale et les sociétés d’assurance, réduisent la place de l’hôpital public et imposent le regroupement des établissements hospitaliers pour les « rentabiliser », ont été hors du débat. L’une des rares surprises positives de la discussion parlementaire a été l’adoption, contre l’avis du gouvernement, d’un amendement abrogeant l’Ordre infirmier. Encore faudra-t-il que la pression se maintienne pour que cela figure dans le texte définitif.
Le gouvernement ayant fait adopter la procédure d’urgence, il ne reste plus comme échéance pour combattre le texte avant son adoption définitive que la discussion au Sénat. Et celle-ci est fixée au mois de juillet ! Ce délais est court et la période peu favorable. Cela ne doit pas empêcher de tout faire pour rendre visibles les véritables enjeux de la loi, ses conséquences sur le système de santé et l’accès aux soins, et d’amplifier la mobilisation pour le retrait du texte.
Cette exigence doit être présente dans toutes les prochaines échéances sociales. Elle doit être liée aux luttes contre les suppressions d’emplois et l’austérité budgétaire imposée aux hôpitaux. Le collectif Notre santé en danger, qui regroupe une cinquantaine d’organisations associatives, syndicales et politiques, organise ce samedi 25 avril une réunion à Paris pour débattre et contribuer à la mobilisation2. Il faut assurer son succès.
J.C. Delavigne
- 1. Règlement direct de la consultation médicale par la Sécurité sociale et les mutuelles, évitant au malade l’avance du coût de cette consultation.
- 2. Samedi 25 avril de 10 h 30 à 17 h 30, « Les raisons de notre colère », Maison des métallos, salle Jean-Bornes, 94 rue Jean-Pierre Timbaud, Paris 11e.