Lundi 22 mai dernier, un homme souffrant de troubles psychiatriques sévères, armé d’un couteau, s’est introduit dans l’hôpital de Reims. Il a tué Carène Mezino, infirmière, et grièvement blessé une secrétaire médicale. Selon le procureur, l’assassin présumé a déclaré en garde à vue en vouloir aux maltraitances de la psychiatrie, et vouloir s’en venger en « plantant » des « blouses blanches ».
Nous partageons l’émotion et la compassion que suscite ce drame qui frappe des personnelEs hospitaliers déjà en grande souffrance, mais l’exploitation qui en est faite par la droite, l’extrême droite et le pouvoir ne peut qu’indigner.
Les quelques larmes versées sur les victimes ne servent qu’à ouvrir les vannes du déferlement sécuritaire. Le ministre de la Santé annonce la « tolérance zéro », ce qui veut dire des vigiles, des systèmes d’alarme, des sanctions pénales alourdies pour les auteurEs de violences physiques, d’insultes à l’encontre du personnel hospitalier. Des recettes déjà préconisées, sans le moindre effet, après le drame de Pau en 2004, puis par Sarkozy en 2008...
Accès difficiles aux soins
Macron va encore plus loin et intègre, dans un discours repris à l’extrême droite, ce drame à une violence de « décivilisation ». Il occulte ainsi les causes réelles de la violence dans les services publics et dans les établissements hospitaliers.
Les actes violents dont sont victimes les professionnelEs de santé sont d’abord liés à la difficulté d’accéder aux soins : heures d’attente aux urgences, délais de prise en charge entraînant des pertes de chances pour les patientEs... Là se situe la « décivilisation », et les principaux responsables en sont la macronie et ses prédécesseurs.
Il n’y a aucune remise en question de la politique des gouvernements qui ont supprimé des milliers de postes dans les hôpitaux au fil des ans et tout spécialement en psychiatrie ; aucun questionnement sur les conditions d’exercice qui n’ont cessé de se détériorer à cause de directions de plus en plus autoritaires et hors sol. Aucun questionnement sur la pénurie médicale qui aggrave les conditions de travail des soignantEs et de suivi des patientEs et qui ont vu les soignantEs, toutes catégories confondues, quitter par milliers le service public de la psychiatrie.
Il n’y a pas de réponse sanitaire
Nul ne peut bien sûr affirmer qu’une meilleure prise en charge du présumé meurtrier, à Reims, comme de celui de Pau en 2004, aurait permis d’éviter le drame. Cependant la disparition du dispositif de psychiatrie publique et des moyens d’une psychiatrie humaine créent toutes les conditions pour que de tels actes se reproduisent.
Ce qu’il faut ce sont des solutions de prévention, de post-cure qui sont le principe même du soin de longue durée qui, à l’image de nombre de services publics, a été déglingué dans le pays. On en paye le prix fort aujourd’hui. Il faut retisser les réseaux ambulatoires, de centres médicaux psychologiques (CMP), de centres d’accueil. Des centaines de ces lieux ont été fermés1.
Les patientEs de psychiatrie sont aussi les victimes de ces politiques. La plupart des crimes commis ne le sont pas par des malades mentaux. Statistiquement, ces dernierEs commettent moins de crimes que la population normale. Pire, ils et elles sont des victimes de violences dans la rue et/ou institutionnelles. Les carences de soins les amènent bien souvent à peupler les prisons, à se suicider ou à mourir dans l’indifférence générale. Comme le dit l’infirmière Corinne Langlois, qui fut en 2017 elle-même victime d’une agression de Frank, le meurtrier de Reims : « Je ne vocifère pas contre les malades mais contre le système ».