Le mardi 16 juin était dans la tête de tous les hospitalierEs. Cela faisait longtemps qu’ils et elles voulaient déconfiner leur colère et la crier à la face du gouvernement, après tous leurs efforts pour sauver des vies et rester en vie !
La prime, la médaille, le défilé du 14 juillet décrétés par Macron n’ont pas éteint cette colère, bien au contraire. Les mobilisations locales précédant « The » mobilisation en étaient le thermomètre. Elles s’étendaient et se renouvelaient sans fatigue avec le soutien de plus en plus d’usagerEs, de collectifs, de structures interprofessionnelles, à Paris comme en régions. Il n’y avait que les directions des centrales syndicales pour encore tergiverser sur le parcours, l’horaire ou l’ordre du défilé, ne facilitant pas la tâche des syndicalistes de boîte. Pour autant, des départs collectifs ont pu se concrétiser.
Succès historique du 16 juin
Cette journée a rassemblé près de 180 000 personnes dont 20 000 à Paris. Plus de 220 villes en mouvement, manifestations et rassemblements devant les hôpitaux ou les ARS, ont permis aux professionnelEs des hostos, des EHPAD et des structures du médico-social et de la psychiatrie de se mobiliser. Même la journée du 14 novembre dernier, à l’appel du Collectif inter-hôpitaux, n’avait pas rallié autant de monde. Jamais autant d’hospitalierEs, toutes catégories confondues, ne furent si nombreux à se mobiliser. À l’AP-HP, les grévistes, assignés ou non, se sont comptés à 11%, voire 30% pour certains hôpitaux de gériatrie alors que ces derniers temps, le taux était plutôt de l’ordre de 2,5 à 5%.
À Paris, la manifestation s’est terminée aux Invalides dans un nuage de gaz lacrymogène accompagné de violences policières sur des soignantEs ! Les images sur les réseaux sociaux sont éloquentes quant à la brutalité des policiers sur Farida et bien d’autres. La conception du maintien de l’ordre qui s’est appliquée aux dernières manifestations avant Covid, s’est appliquée aux hospitalierEs ce jour, dans une nasse géante. Violenter les unEs pour faire peur à tous les autres !
Détermination intacte
Mais cela n’a pas entamé la détermination des contestataires. Les jours suivants, les initiatives locales n’ont pas faibli, bien au contraire. Jeudis de la colère massifs et combatifs. Vendredi dernier, plus de 300 personnes participaient à une soirée militante à l’hôpital Delafontaine, en Seine-Saint-Denis. Et la question cruciale se pose aujourd’hui de la poursuite de la lutte. Sud a claqué la porte du Ségur, d’autres y sont encore. Le gouvernement ne s’est toujours pas engagé financièrement, ni sur les salaires et pas plus sur les embauches, au cœur des revendications du monde hospitalier. L’arrêt de la fermeture des lits, dont le manque est à l’origine du principal dysfonctionnement de l’hôpital, la gouvernance, la tarification à l’activité, autant de sujets sur lesquels le gouvernement ne se prononce pas, laissant les participant-es à cette mascarade s’épuiser depuis 4 semaines dans des échanges stériles.
Le gouvernement cherche à gagner du temps
Là nous apprenons qu’un « pré-projet de protocole d’accord » est soumis aux organisations syndicales concernant les rémunérations et les carrières. Bonification indiciaire complétée d’une « majoration supplémentaire », « porter » les aides-soignantes de la catégorie C à B, revalorisation salariale dès le 1er juillet, rénovation des primes… Rien de concret, aucune enveloppe. Bien loin des 300 euros nets, pour tou-tes, revendiqués depuis l’année dernière, mais tout est bon pour diviser les forces en présence et tenter d’éteindre le feu. Le gouvernement, comme Macron, cherchent à gagner du temps. Pour leur imposer les exigences des personnels, la lutte doit se coordonner sur le plan national et s’inscrire dans la durée. Pour y parvenir, une coordination unitaire démocratique et représentative des hôpitaux en lutte serait un outil nécessaire. La date du 14 juillet pour une nouvelle grande échéance nationale est d’ores et déjà débattue dans les établissements. Loin des salons feutrés de la rue de Ségur, les hospitalierEs, syndiquéEs comme non-syndiquéEs ne désarment pas, il est encore temps que les syndicats et les collectifs fassent la preuve de leur utilité et organisent unitairement l’offensive, pour ne pas revenir à l’anormal.