À peine entamée, la première partie (recettes) du débat sur le projet de loi sur le financement de la Sécurité sociale pour 2024 a été close le 25 octobre par le recours à l’article 49.3. Rebelotte le 30 octobre pour le volet dépenses.
Hors de toute décision ou contrôle démocratique le pouvoir décide de l’utilisation des 600 milliards (près d’un quart de la richesse produite en France) qui financent l’Assurance maladie, les retraites, les allocations familiales, les accidents de travail.
Double hold-up
En 1995, le « plan Juppé » a instauré les lois de financement de la Sécurité sociale. Il a ainsi donné au Parlement (et donc à l’État) la main sur un budget supérieur à celui de l’État. Il a définitivement ôté aux assuréEs sociaux toute forme de contrôle sur leur « Sécu » et leurs cotisations (voir l’Anticapitaliste n° 680, page 8). Marc Blondel, secrétaire général de FO à l’époque, avait à juste titre qualifié cette opération de « hold-up ». Le recours au 49.3 auquel se livre le pouvoir, pour la deuxième année, constitue de ce point de vue un double hold-up, en affranchissant l’exécutif du contrôle de la « représentation nationale ».
Poursuite de l’étranglement du système public de santé
Le PLFSS entérine la contre-réforme des retraites et poursuit en même temps l’offensive en s’attaquant à l’Assurance maladie. Alors que le système de santé craque de toutes parts, c’est une nouvelle ponction de 3,5 milliards d’euros que le gouvernement prétend lui imposer.
Les dépenses de santé sont plafonnées à un niveau, en réalité, inférieur à l’inflation. L’hôpital, déjà en situation de rupture est mis de nouveau à contribution. Les directeurs préviennent déjà que pour éviter les déficits, il leur faudra à nouveau supprimer des postes et fermer des lits.
Les mesures annoncées depuis des mois, comme l’augmentation des « franchises » sur les médicaments, les consultations et les examens en laboratoire n’ont finalement pas été introduites dans le PLFSS, pour éviter les mobilisations, tout comme la ponction de 15 milliards sur les retraites complémentaires. Le gouvernement affirme néanmoins que le projet reste « sur la table » et pourrait être introduit ultérieurement par des biais « réglementaires ».
Qui sont les « profiteurs » de la Sécu ?
Pour justifier l’austérité le PLFSS prétend s’attaquer aux prétendus « abus » dont se rendraient coupables les assuréEs sociaux et les professionnelEs de santé. Contrôles renforcés des médecins qui prescrivent « trop » d’arrêts de travail.
Tout comme la propagande nauséabonde de la droite et de l’extrême droite le fait sur l’AME, il s’agit de désigner des boucs émissaires et de détourner l’attention des véritables « profiteurs » qui font de la « Sécu » une vache à lait garantissant leurs profits.
Il s’agit du secteur sanitaire privé lucratif — laboratoires pharmaceutiques cliniques, laboratoires d’analyse, pharmacie et cabinets médicaux de plus en plus aux mains de groupes financiers dont les actionnaires sont rémunérés par la Sécurité sociale au lieu qu’elle rembourse les soins.
Il s’agit aussi de l’ensemble des employeurs exonérés de cotisations sociales au nom de « créations d’emplois » dont personne n’a jamais pu prouver la réalité.
En 2023 ce sont 87,9 milliards d’euros de cotisations sociales dont le patronat est exonéré, soit 7 % de plus qu’en 2022. Depuis 2010, ces exonérations se sont envolées, en particulier avec le CICE (crédit impôt compétitivité emploi) pérennisé par Macron.
Mais il est évidemment hors de question pour le « président des riches » de s’en prendre à ceux qui pillent la Sécu pour réaliser plus de profits.
Le début d’un combat
Cette politique de casse du droit à la santé devrait rencontrer l’intersyndicale unie et vent debout contre le PLFSS. Ce n’est malheureusement pas le cas. Les initiatives du Tour de France pour la santé, avec plus de 70 étapes, son rassemblement du 24 octobre devant l’Assemblée nationale avec la présence d’une vingtaine de députéEs, et son appel à des casserolades partout au moment du vote final du PLFSS sont donc d’autant plus salutaires. C’est un appel à un combat prolongé, personnels et usagerEs, s’ancrant et se coordonnant autour des luttes locales, pour construire une mobilisation nationale et faire céder la Macronie.