Pour la première fois, la « semaine d’action contre la commercialisation et la privatisation de la santé en Europe » a permis de mener des initiatives coordonnées contre les atteintes au droit à la santé.Décidées par le Réseau européen de syndicats, partis, associations, collectifs, créé dans ce but, ces actions ont eu lieu en Pologne (article ci-dessous), dans l’État espagnol, en Belgique, en Grèce, au Royaume-Uni et en France (voir l’article ci-dessous), parfois dans des cadres unitaires plus larges que le réseau. Forte de ces réalisations, la 4e Conférence du réseau, réunie à l’issue de la manifestation de Varsovie, s’est fixé de nouvelles perspectives.
Varsovie : 7 000 dans les rues contre la privatisation de la santé, et pour les droits des personnels hospitaliers
Le 5 octobre, 7 000 manifestantEs se sont réuniEs sur l’immense esplanade au pied du Palais de la culture de Varsovie, pour manifester contre la marchandisation et la privatisation du système de santé, et les attaques dont sont victimes les professionnels du secteur (très bas salaires, précarité des contrats de travail, conditions de travail).
Un succès considérable…
Le succès est considérable, puisque ce chiffre est le double de ce qu’avaient prévu les organisateurs, et malgré la désinformation des médias annonçant que la manifestation était « interdite ».
Pour l’essentiel, le cortège était composé d’infirmières et sages-femmes venues de toutes les régions du pays manifester à l’appel de leur syndicat l’OZZPIP1.
Plusieurs centaines de manifestants ont également défilé à l’appel du syndicat « Août 80 », en particulier des mineurs et des ouvriers de l’automobile.
Ils entendaient ainsi affirmer que les revendications sur le droit à la santé concernent l’ensemble des salariés et pas seulement les professionnels de santé.
Les mineurs assuraient également la sécurité du cortège, comme ils l’avaient fait il y a cinq ans, lors de la grande lutte des infirmières qui avaient organisé leur « village blanc » face à la Chancellerie du Premier ministre.
Les organisateurs avaient insisté sur le caractère international de la manifestation, en plaçant les délégations des pays européens en tête de la manifestation.
UnE représentantE de chaque pays a été invitéE à prendre la parole à l’issue d’une marche qui a traversé une partie importante de la ville.2
Malgré ce succès, le Premier ministre n’a pas daigné recevoir la délégation venue le rencontrer.
La manifestation du 5 octobre a constitué en Pologne un véritable évènement politique, largement couvert par les médias du pays. La présidente du l’OZZPIP, Iwona Borchulska, a pu exposer à la télévision les raisons de la manifestation.
… qui ouvre des perspectives
Le lendemain s’est réunie une conférence ouverte aux syndicalistes polonais et aux délégations étrangères, permettant d’approfondir et de comparer plusieurs aspects des réformes en cours et de leurs conséquences. Elle fut suivie par une réunion plus restreinte du Réseau européen, dans le but de fixer de nouvelles perspectives.
Dans son communiqué final, la conférence de Varsovie a décidé de prendre une nouvelle initiative : une semaine d’actions coordonnées du 11 au 17 mars 2013 « de sensibilisation et d’intervention des citoyens et des professionnels de santé contre la privatisation et la commercialisation du système de santé et de protection sociale, dans tous les établissements de santé, les lieux de travail », tout en participant à tous les rendez-vous européens et mondiaux et aux « échéances nationales » du mouvement social.
Si beaucoup de chemin reste encore a parcourir pour faire reculer les politiques libérales contre la santé et la protection sociale, ce qui se construit depuis deux ans trace la seule voie possible, celle de l’action internationale.
Correspondants
1. L’OZZPIP syndique 1/3 des infirmières et sages femmes de Pologne.
2. La délégation française était composée de représentants de Sud Santé Sociaux, de la convergence des services publics, du NPA et du PCF/Front de Gauche.
FRANCE : un millier de manifestantEs pour la santé
Délégations de collectifs de défense des hôpitaux de la région parisienne et d’Alès, Bordeaux, Caen, Charleville-Mézières, Concarneau, Decize, Isère, Les Sables-d'Olonne, Lille, Lisieux, Luçon, Lure-Luxeuil, Lyon, Marie-Galante, Mantes, Marseille, Montluçon, Nantes, Nemours, Nîmes, Privas, Rennes, Rethel, Roubaix, Rouen, Saint-Agrève, Toulouse, Vire, et militantEs associatifs, syndicaux (essentiellement de Sud santé), politiques (Front de Gauche et une présence conséquente du NPA), nous étions un millier à manifester à Paris le 6 octobre à l’appel de « Notre santé en danger » (NSED). Participation perçue comme honorable par les manifestants, une semaine après la mobilisation contre le traité budgétaire, en l'absence d’organisations membres de NSED (les confédérations CGT, FSU) et en raison du boycott des médias.
La demande préalable de NSED d’être reçue à Matignon a eu pour seule réponse un barrage de police, suscitant de vifs commentaires sur « le mépris de ce gouvernement, semblable au précédent » !
Avant la manifestation, un rassemblement a permis à plusieurs associations et collectifs de s’exprimer. Nommés par le gouvernement, les directeurs des Agences régionales de santé (ARS) disposent de larges compétences dans le domaine de la santé. Un exemple illustre les conséquences des exigences comptables des ARS. Celle de Guadeloupe a annoncé fin 2011 la fermeture de la chirurgie et de la maternité de l’hôpital de l’île de Marie-Galante jugés non rentables. Il faudra une heure de bateau pour aller à Pointe-à-Pitre. En cas d’urgence, l’ARS prétend que les malades seront transportés en hélicoptère sanitaire. Encore faut-il que les conditions météorologiques le permettent et qu’il soit disponible, il n’y en a qu’un seul pour la Martinique et la Guadeloupe ! La population de l’île a manifesté à plusieurs reprises pour le maintien de toutes les activités de l’hôpital, mobilisant jusqu’à 4 000 personnes sur une population de 12 000 habitants.
À Marie-Galante et ailleurs la mobilisation continue ! Pour le droit à la santé, on ne lâche rien !
Financement de la Sécu : un budget d'austérité qui préfigure la règle d’or !
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) de 2013 comme les précédents prétend « redresser les comptes ». On est loin du principe qui a prévalu à la création de la Sécu en 1945 : « chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins » ! Pendant 50 ans, jusqu'à la loi Juppé de 1995, la Sécu a pu fonctionner sans budget préalable. En effet le financement de la Sécu ne doit donc pas dépendre d’une enveloppe budgétaire fermée, les dépenses varient selon diverses circonstances (épidémie, crise, progrès médicaux…) Prétendre « redresser les comptes » relève d’une escroquerie car les gouvernements successifs ont eux-mêmes créé le déficit en n’affectant pas les recettes nécessaires au financement, notamment par des cadeaux aux employeurs, les exonérations des cotisations sociales atteignent 255,5 milliards d’euros en dix ans1 !
Les ministres de la santé et du budget, Marisol Touraine et Jérôme Cahuzac, ont présenté fin septembre le PLFSS 2013.
Toutes les méthodes d’interruption volontaire de grossesse seront remboursées à 100 %. Les victimes d’accident de travail et de maladies professionnelles bénéficieront si nécessaire « d’une prestation d’aide à l’emploi d’une tierce personne », financée par l’augmentation de la cotisation dite patronale. Ces mesures sont positives. Mais elles ne suffisent pas à masquer le caractère régressif de ce PLFSS présenté par le gouvernement comme « un budget de combat parce qu’il faut en finir avec le déficit ».
François Hollande s’était engagé pendant les élections à fixer la progression de l’Objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) à 3 %, ce qui était déjà bien en-dessous des besoins. Il sera limité à 2,7 %. Le « redressement des comptes » se fera surtout sur le dos des malades et des retraités.
Pour la branche maladie, l’économie devrait être de 2,5 milliards d’euros. Le PS militait pour l’abrogation des franchises médicales. Il n’en n’est plus question. Toutes les mesures empêchant un nombre croissant de malades de se soigner (forfait, déremboursement de médicaments…) sont maintenues.
Le gouvernement a aussi « oublié » d’abolir l’imposition des indemnités journalières des victimes d’accident de travail et de maladie professionnelles. La taxation des mutuelles instaurée par la droite, et qui avaient eu pour conséquence des hausses importantes des tarifs, restent en vigueur. Cela n’empêche d’ailleurs pas la FNMF2 d’approuver ce PLFSS !
L’hôpital public devra économiser 657 millions d’euros ! La loi HPST3 est maintenue avec tous ses effets néfastes, restructurations, fermeture de services et d’hôpitaux, réductions dramatiques d’emplois… La durée de séjour dans les hôpitaux sera administrativement limitée pour économiser 193 millions, ce qui peut aussi avoir des conséquences dramatiques.
Les pensions des retraités imposables seront ponctionnées de 0,15 % en 2013 et de 0,3 % en 2014. Une amorce pour aller plus loin comme pour la CSG, qui est aussi prélevé sur les retraites (entre autres) pour financer notamment… les retraites.
Le même principe s’applique pour cette « contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie ». Dans les deux cas, il s’agit d’une diminution des pensions qui cache son nom. Il est déjà annoncé qu’en 2013 elle ne sera pas destinée à financer la dépendance.
La règle d’or s’applique aux organismes de Sécurité sociale. L’austérité est imposée dans le PLFSS 2013 mais elle ne suffira pas à atteindre l’équilibre budgétaire. Ce projet de budget n’est qu’une étape de l’offensive contre nos salaires ! La Sécu reste financée majoritairement par les cotisations sociales, le salaire socialisé, mais le basculement vers le financement par l’impôt est à l’ordre du jour. Le seul débat au sein du gouvernement porte sur les modalités : TVA, fiscalité « écologique » ; CSG ? L’enjeu du combat est la sauvegarde de la Sécu et le partage des richesses.
S. Bernard
1. (de 2000 à 2010) Source : Agence centrale des organismes de Sécurité sociale
2. FNMF : Fédération nationale de la mutualité française
3. HPST : Hôpital Patient Santé Territoire