Le 13 février le gouvernement annonçait l’ouverture d’une grande concertation sur la réforme du système de santé, autour de 5 « chantiers ». Pendant que se déroule cette parodie de « dialogue social », Agnès Buzyn, ministre de la Santé, continue de faire passer ses contre-réformes. Les deux dernières en date sont l’instauration d’un service sanitaire et la baisse des tarifs hospitaliers.
Le 26 février, la ministre de la Santé et celle de l’Enseignement supérieur annonçaient l’instauration, dès la rentrée 2018, d’un service sanitaire obligatoire, pour 47 000 étudiantEs en médecine, pharmacie, odontologie, ainsi que pour les futurEs sages-femmes, infirmierEs, kinés.
Service sanitaire : prévention ou travail gratuit ?
Pendant leur formation ces étudiantEs devront effectuer une période de « service sanitaire » : plusieurs semaines de travail gratuit au cours desquelles ils et elles mèneront des actions de prévention dans les établissements scolaires et universitaires.
C’est la concrétisation d’une promesse de campagne de Macron. Elle prétend mettre en œuvre la « révolution de la prévention » annoncée par le candidat d’En Marche.
Réorienter le système de santé vers la prévention, s’attaquer aux causes des maladies pour les éviter devrait, en effet, être une priorité. Mais la réponse apportée par le gouvernement tient du gadget. Une prévention efficace suppose une action, dans la durée, de professionnels formés, travaillant quotidiennement auprès du public concerné. Elle devrait être le fait du service de santé scolaire et universitaire, aujourd’hui délabré.
On comprend mieux où le gouvernement veut en venir quand les deux ministres annoncent que le service sanitaire ne se limitera pas à l’école et à l’université. Il a vocation à s’étendre aux prisons, aux EHPAD, aux structures médico-sociales où sévit une pénurie dramatique de professionnels de santé, ainsi qu’aux entreprises, où la médecine du travail est en cours de démantèlement selon le souhait du MEDEF.
L’exemple des EHPAD
L’exemple des EHPAD aujourd’hui sous les feux de l’actualité est particulièrement éclairant.
Les personnels et les familles dénoncent le sous-encadrement chronique et exigent la présence d’un agent pour un résident, alors qu’il est actuellement inférieur à 0,6 pour 1 en moyenne.
Il suffira d’y envoyer des étudiants en santé, pendant leur service sanitaire, sous couvert de prévention, pour que le « taux d’encadrement » augmente brusquement, sans qu’aucun salarié ne soit recruté. La suppression des emplois aidés (précaires mais quand même rémunérés) pourra être ainsi « compensée » par une main-d’œuvre entièrement gratuite.
Cette mesure préfigure le remplacement, sur le mode anglo-saxon de professionnels formés et qualifiés par des « aidantEs » familiaux, des bénévoles ou des professionnels astreints à des périodes de travail gratuit. Cette régression touchera en premier lieu les femmes, les emplois supprimés étant avant tout des emplois féminins, et les aidantEs et bénévoles qui les remplaceront étant aussi majoritairement des femmes.
Baisse des tarifs hospitaliers : toujours moins pour l’hôpital
Au même moment le gouvernement confirme la baisse des tarifs hospitaliers pour l’année 2018. Le tour de vis austéritaire annoncé par la loi de financement de la Sécurité sociale se traduira donc cette année par une baisse des tarifs hospitaliers.
Cette baisse sera de 1,2 % dans les hôpitaux publics, et de 1,7 % pour les établissements privés non lucratifs, avec pour conséquence davantage de suppressions de postes, l’impossibilité d’investir pour renouveler les équipements, et un endettement qui monte en flèche. Le secteur privé commercial (les grands groupes privés qui font des profits) sont davantage épargnés puisque la baisse y sera seulement de 0,9 %.
En Macronie, la contre-réforme libérale, c’est tous les jours : autant de raisons pour faire grève et se mobiliser les 15 et 22 mars prochain.
Jean-Claude Delavigne