Publié le Lundi 30 octobre 2017 à 15h26.

Triste décompte : huitième suicide d’un hospitalier à l’AP-HP depuis janvier 2017

A moins d’une semaine d’intervalle, les membres du CHSCT, représentant-e-s du personnel de l’hôpital Avicenne apprennent par la direction locale, de façon informelle, qu’un brancardier a tenté de se suicider et qu’un autre brancardier du même service s’est suicidé. Les émotions se bousculent : stupéfaction, choc, culpabilité puis vient la colère quand on réalise la disparition définitive du collègue! Près d’une centaine de collègues ont répondu à l’appel des syndicats pour rendre hommage à Tonio, le disparu. Après la minute de silence, un des témoignages souligna l’importance de la solidarité entre collègues, dans les moments les plus dramatiques mais également dans ceux qui semblent les plus anodins de nos vies.

La direction cynique veut « enterrer » le suicide et la tentative de suicide

Le but de la réunion informelle étant de « calmer » les velléités et/ou prérogatives des membres du CHSCT par la mise en place d’une cellule psychologique individuelle ainsi que de groupes de parole. Pour autant, les membres du CHSCT ont eu le réflexe de poser un avis de « danger grave et imminent ». À partir de ce moment, la direction a tout essayé pour bloquer l’enquête et le CHSCT extraordinaire qui en a découlé, allant jusqu’à utiliser l’émotion des collègues pour éviter toute investigation. La direction accusait les membres du CHSCT d’irresponsables, les menaçant de les poursuivre au « pénal » s’il y avait un « accident » suite à l’enquête, arguant qu’une guérilla s’ouvrait. Cela rappelle la répression que subissent les représentant-e-s du personnel au CHU de Toulouse… Les mêmes méthodes comme solutions à la violence du capitalisme.

Quand on sait qu’une des responsabilités de l’employeur est de garantir, avec obligations de résultats, la santé physique et morale des salarié-e-s, c’est mettre sur le dos des autres ses propres incompétences. 

Les restrictions budgétaires maltraitent les personnels

Même si ces deux actes se sont passés au domicile de chacun, ils ne sont pas une coïncidence fortuite. Il serait complètement dingue de penser que le travail et son organisation n’ont aucun lien avec ces actes de détresse. Alors que les personnels hospitaliers sont maltraités par les plans de restrictions budgétaires qui se succèdent d’année en année, les brancardiers de ce service n’échappent pas à ce mal-être avec des horaires imposés, des repos entrecoupés de jours travaillés, une intensification du travail accentuée par des pressions pour aller toujours « au plus vite », une organisation du travail sur laquelle ils n’ont pas leur mot à dire.

Absentéisme, indicateur de mal-être au travail

D’ailleurs, le service du brancardage central, par son taux d’absentéisme très élevé, n’est que le reflet de l’hôpital ainsi que du groupe hospitalier (GH) qui se situe second de tous les GH de l’AP-HP avec les plus forts taux d’absentéisme. Cette direction, qui ne connaît que la répression, préfère payer des cabinets de médecins libéraux pour un contrôle, à domicile, des agents en arrêt de travail, plutôt que de s’attaquer aux causes du mal-être. Et tant pis pour le déficit, prétexte, hier, pour faire accepter aux agents les « efforts partagés » et leur faire courber l’échine.

Le capitalisme tue

Cette « production de soins » imposée est la conséquence de choix politiques. Pour s’attaquer à la racine des choses, c’est tout le système qu’il faut changer c'est-à-dire l’organisation du travail, les effectifs, la tarification à l’acte, l’enveloppe du budget santé définie à la baisse pour combler un soi disant « trou de la sécu » et dénoncer l’idéologie dominante qui veut faire croire qu’il n’y a pas d’autres choix que ceux en vigueur, qu’il faut casser les droits des salariéEs pour booster l’embauche, qu’il y a une dette légitime et incontournable de la France…

Combattre Macron, Buzyn et leur monde

C’est repenser les priorités d’une société plus humaniste, solidaire et équitable. C’est pouvoir questionner le travail, prendre part dans les décisions des évolutions du travail. Questionner le salarié sur son travail, l’amène à prendre de la distance, à percevoir les marges de manœuvre, à une réflexion sur le travail. On s’ouvre des espaces de travail pour ensemble faire quelque chose, c’est la transformation collective du travail, à opposer à tous les protocoles inspirés de l’industrie que les managers de l’hôpital nous imposent. Ce qui permet de tenir, c’est une forme de résistance, c’est le questionnement de l’utilité de ce que l’on fait, c’est la création d’un collectif informel comme inviter les collègues à des moments conviviaux, partager un repas, voire comment protéger les collègues les plus précaires. Les nouvelles organisations du travail prennent appui sur l’aspiration des salariéEs à une autonomie dans le travail mais pour la transformer en une nouvelle aliénation. Comme exemple, les salarié-e-s qui sont autonomes dans leur travail mais qui ont un temps défini pour l’exécuter. Quand le temps est insuffisant, un certain nombre de dispositifs sont mis de côté par les salarié-e-s eux-mêmes comme les procédures de sécurité pour atteindre les objectifs qui leur sont fixés. Il y a un poids à cette autonomie.

Que faire ?

Le syndicalisme permet des pratiques de négociation et de représentation mais permet également de fédérer les collectifs de travail, de créer des zones de liberté pour discuter le travail et agir sur lui et d’ouvrir un espace d’auto-organisation des salarié-e-s en lutte pour leurs droits. Mais battre la politique de Macron et le sort réservé à l’hôpital par Buzin exige de toutes les forces qui prétendent les combattre de s’unir et d’en finir avec la multiplication, en ordre dispersé, d’initiatives et de journées de grève sans lendemain.

Correspondante