Publié le Mercredi 12 juin 2019 à 15h20.

Urgences : les usagerEs se mobilisent aussi

Entretien. Les comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité sont nombreux sur le territoire et luttent pour la défense de ce service public depuis longtemps1. Nous avons demandé à Françoise Nay, médecin hospitalière et membre de la coordination de ces comités, de nous faire part des actions en cours.

Face aux restructurations hospi­talières, aux fermetures et au projet de loi santé, quelle mobilisation actuelle des usagerEs, quelle ampleur ?

Il y a des mobilisations locales partout : hôpitaux, maternités, urgences, psychiatrie... avec des milliers de personnes. Elles s’opposent à la fermeture de services, de lits, mais aussi à la suppression de postes, à la dégradation des conditions d’accueil et de soins à l’hôpital. On connaît actuellement une accélération des restructurations. Une douzaine de maternités au moins ont fermé en deux ans ! Nous savons déjà que la loi « Ma santé 2022 » entraînera de nouvelles fermetures de maternités, de services de chirurgie et d’urgences...

Face à cela, nous cherchons à dépasser les mobilisations locales qui ne suffisent plus. Nous participons ainsi au mouvement des maternités en colère et apportons notre soutien au Printemps de la psychiatrie et au mouvement de grande ampleur des personnels des urgences.

Quelles sont les principales revendications des comités de défense ?

La Coordination a élaboré, avec les comités qui la composent, des propositions.

En premier lieu, elle exige l’arrêt des fermetures de services et de lits. Il s’agit d’une revendication portée aujourd’hui aussi par le mouvement des urgences.

Elle se prononce pour l’accès à la prévention et aux soins pour toutes et tous, dans la proximité, remboursée à 100 % par la Sécurité sociale.

Elle est pour le développement d’un service public de médecine de premier recours et de prévention qui reposerait sur un maillage territorial en centres de santé.

Elle est pour un plan ambitieux de formation des professionnels de santé et la remise en cause de la liberté d’installation.

Elle est pour une véritable démocratie sanitaire permettant d’associer les usagers, les personnels et les élus à l’évaluation des besoins et aux décisions prises.

Elle exige la sortie des logiques d’austérité et demande des moyens financiers à la hauteur des exigences.

Il est prévu le 15 juin dans toute la France des mobilisations des comités, quelles sont les actions envisagées ?

Distributions de tracts, rassemblements, chaînes humaines, déambulations dans la ville, criées pour l’hôpital, inauguration de l’hôpital de Mme Buzyn, inauguration d’un service d’urgences au bord de la crise de nerf, pique-nique... Plus d’une trentaine d’initiatives dans toute la France, sous des formes très diverses, pour informer et mobiliser.

Face aux attaques contre les hôpitaux, les maternités, les Ehpad… une mobilisation commune des usagerEs et des personnels ne serait-elle pas souhaitable ?

Macron dépose des projets de loi séparés, pour éviter le « tous ensemble ». En réalité, il mène une offensive générale contre les services publics et la protection sociale : les retraites et la perte d’autonomie, la loi de transformation de la fonction publique, le Revenu universel d’activité, « nouveau filet de Sécurité sociale », la réforme constitutionnelle… De nouvelles coupes budgétaires en 2020 et au-delà sont déjà décidées dans le cadre du semestre européen.  

Ces réformes s’inscrivent dans la logique de remplacement de la Sécurité sociale (500 milliards de budget), de la protection sociale (750 milliards de budget), par le « modèle » (de plus en plus contesté) venu des États-Unis.

Des mobilisations existent localement, associant souvent usagers, personnels et élus, sur le plan syndical, avec quelques reculs partiels comme pour la CSG et les retraités. Mais il est indispensable de construire une mobilisation des usagers et des personnels, très large, de haut niveau, et qu’il faut étendre au niveau national. Cela passe par une information de la population sur ce qui se passe, mais aussi sur l’analyse des politiques qui ont mené à cette situation. Et sur ce qui est en jeu dans les différents projets de loi.