Alors qu’en Île-de-France, on organise une ridicule et culpabilisante campagne contre la fraude dans les transports, des collectifs réunis en mai dernier ont décidé d’organiser une journée nationale d’action pour la gratuité le samedi 15 octobre...
Le texte d’appel en est clair : « Les enjeux environnementaux, sociaux et sanitaires exigent des mesures d’ampleur et durables. Les effets du réchauffement climatique apparaissent de plus en plus concrètement au niveau planétaire. L’aggravation de la pollution aux particules fines a des conséquences alarmantes sur la santé. Les politiques d’austérité et de recherche de profit à court terme aggravent la précarité et le chômage. Les conditions d’accès au logement ont fortement contribué à l’étalement urbain, repoussant à la périphérie les familles modestes en quête de logement accessible. (...). La concentration des emplois dans les agglomérations allonge les déplacements et provoque des embouteillages. Si le niveau du trafic automobile a des conséquences graves sur la santé et l’environnement, il impacte de plus et fortement le budget des ménages.
Nous avons besoin de nouvelles avancées sociales pour répondre à ces défis. Contre la marchandisation de nos vies, il faut faire grandir le sens de l’intérêt général et du service public. À l’instar de l’éducation et de la santé, nous avons besoin d’une extension de la gratuité qui garantisse le libre accès aux transports de toutes et de tous, par un financement collectif. (...) C’est possible, une trentaine de villes en France l’ont déjà fait, représentant environ 1,2 million d’habitants. Pour cela, il faut une volonté politique. Et comme pour toute avancée sociale d’importance, l’exigence de la gratuité des transports demande l’intervention de la population. »
La gratuité avance bien trop lentement
L’agglomération de Niort vient d’annoncer que ses transports en commun deviendront gratuits à partir du 1er janvier 2017. En 2018, le passage à la gratuité est aussi prévu à Dunkerque. Face aux pics de pollution, la gratuité est instaurée quelques jours par an dans de nombreuses villes. Mais pourquoi se limiter à ces quelques jours, puisqu’on reconnaît que la solution pour diminuer la circulation automobile est l’accès libre à des transports en commun efficaces ?
L’argument principal, pas sérieux, est le coût que représenterait la gratuité. Un rapport d’information pour le Sénat de 2012 indique que le financement des transports urbains (entre 9 et 10 milliards par an) est assuré en moyenne à l’échelle nationale à 40 % par les collectivités territoriales (les impôts locaux), à 40 % par la taxe Versement transport (payée par les entreprises)... et à 20 % par les usagers.
De plus, les décisions gouvernementales augmentent le prix des transports en commun. Le gouvernement Valls a exonéré en 2016 les entreprises de 9 à 11 salariéEs de la taxe Versement transport, après avoir fait passer en 2014 le taux de TVA de 7 à 10 % sur les billets.
En outre, il est difficile de mesurer les profits générés par les délégations de service à Transdev et Kéolis, qui détiennent, hors Île-de-France, entre 30 et 40 % de parts de marchés. Comme l’écrit la Cour des comptes en 2015, « le partage des risques tant industriel (sur les charges) que commercial (sur les recettes) apparaît plutôt défavorable aux autorités organisatrices »... Quand on sait que les concessionnaires des sociétés d’autoroutes distribuent chaque année plus d’un milliard d’euros de dividendes à leurs actionnaires, on peut sans crainte affirmer que le passage en régie publique des 90 % de réseaux privés permettrait de passer facilement à la gratuité. La part correspondant à l’achat des billets par les 27 millions d’usagerEs (part qui sert aussi à financer le contrôle du paiement...) est inférieure à 2 milliards par an en France.Les déplacements sont essentiellement liés au travail et à la consommation. C’est donc ceux qui en profitent qui doivent financer : les entreprises doivent payer !
Patrick Le Moal