Grâce à un aléa constitutionnel, nous allons pouvoir nous opposer au plan de privatisation d’une des grandes entreprises gardant encore un statut d’entreprise publique, le Groupe Aéroports de Paris.
L’objectif est de recueillir 4,7 millions de signatures d’ici le 13 mars 2020 avec, d’ici là, la possibilité de développer une campagne unitaire de défense des services publics contre les privatisations passées, présentes et à venir.
Le RIP, un grain de sable dans la machine
Dès son élection, Macron avait manifesté sa volonté de poursuivre les politiques de privatisation des services publics, accentuées depuis vingt ans. La loi PACTE (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) contient la privatisation d’Aéroports de Paris, de la Française des jeux et d’Engie. Elle a été promulguée le 22 mai, mais va être bloquée dans son application concernant ADP jusqu’à la fin du processus du RIP (référendum d’initiative partagée) dans 9 mois.
Cette procédure du RIP est un grain de sable arrivé par mégarde en 2008 dans la Constitution ultra-verrouillée de la Ve République. Elle permet que 20% des parlementaires (185) prennent, dans certaines conditions, l’initiative d’un projet de loi pouvant être soumis à référendum. 248 parlementaires (les groupes de gauche plus l’apport de 73 élus LR) ont déposé un projet de loi affirmant « le caractère de service public national d’Aéroports de Paris ».
Au total, les parts de l’État dans ces trois sociétés représentent 19 milliards d’euros. Pour vendre ses parts, le gouvernement doit faire sauter les verrous minimums légaux de participation (50% pour ADP, 72 pour la FDJ, 33% pour Engie).
Le Maire claironne que la privatisation servira à abonder le fonds pour l’innovation et l’industrie, mais cela permettrait surtout de diminuer la dette publique qui flirte avec les 100% du PIB et de faire un cadeau à Vinci, évincé de Notre-Dame-des-Landes.
Les nouveaux amis des services publics
Les parlementaires LR se sont soit abstenus soit positionnés contre la privatisation d’ADP ces derniers mois au Parlement…. mais se sont massivement prononcés pour le désengagement de l’État d’ENGIE (ex-GDF-Suez) en dessous de 33% du capital.
Beaucoup d’élus de droite défendent le caractère public d’ADP au nom de « l’intérêt national » pour ne pas « affaiblir la Nation » (Carrez) et même le PS affirme que le maintien de l’État dans ADP est nécessaire car ADP est « la porte de la France »(Boris Vallaud) et que le rôle de l’État est de « gérer nos frontières » (Valérie Rabault). Pour d’autres, la question serait simplement la rentabilité financière plus grande d’ADP au regard des intérêts du Fonds pour l’innovation et l’industrie.
Ces nouveaux défenseurs des services publics ne peuvent faire oublier que si l’État ne détient plus que 50,5% du capital d’ADP, cela vient bien des décisions de 2006 et de 2013, prises successivement sous les présidences de Chirac et de Hollande. De même, ce fut avec le gouvernement Valls que furent organisées les privatisations des aéroports de Nice, Lyon et Toulouse, pompes à profits pour les actionnaires. De plus, « l’État actionnaire » chez ADP a soutenu depuis 20 ans toutes les politiques de démantèlement et de sous-traitance des métiers sur les plates-formes de Roissy et d’Orly.
Privatisation progressive
ADP, après avoir créé en 2008 sa propre filiale Alyzia pour l’assistance aéroportuaire, a vendu ses parts en 2011 à G3S, qui domine désormais l’assistance aéroportuaire avec des dizaines de fausses PME et une politique sociale agressive. Parallèlement, avec ADP International, le Groupe ADP a développé, dans l’ombre des zones d’influence de la France, des politiques de projets et de construction d’Aéroports, d’investissements notamment en Afrique, au Moyen-Orient et en Chine. Sans oublier une co-entreprise avec Lagardère pour la gestion de toutes les activités commerciales sur Roissy, notamment. Le chiffre d’affaires des activités aéronautiques est aujourd’hui inférieur à la somme des deux autres secteurs d’activité d’ADP (les boutiques et l’international)… Nous sommes donc loin d’une politique vertueuse de service public.
Aussi pour nous la défense du caractère public d’ADP n’est en rien l’acceptation du la politique menée sur les plates-formes aéroportuaires qui regroupent directement 90 000 salariéEs à Roissy et 25 000 à Orly, où ADP et ses protégés mènent une politique de casse sociale. Plus de 100 000 salariéEs sont directement concernés par le devenir d’ADP. Dans le même sens, l’intersyndicale des salariéEs d’ADP a mené depuis plusieurs années la bataille contre la privatisation progressive d’ADP et le maintien des métiers et des statuts sur les plates-formes aéroportuaires.
Une campagne de mobilisation populaire
Pour nous, l’enjeu des mois à venir est bien de se saisir de l’occasion qui nous est donnée pour que s’exprime massivement l’exigence de services publics au service des besoins sociaux des classes populaires qui ne soient pas des machines de guerre contre les droits sociaux des salariéEs et des usagerEs. Nous pouvons convaincre que, au-delà d’ADP, l’enjeu est de s’opposer à la politique de casse sociale qui vise ADP comme elle frappe les hôpitaux, l’Éducation nationale, l’indemnisation du chômage et le calcul des retraites. Participer au référendum et à la campagne pour les 4,7 millions, c’est aussi ajouter une pierre utile à tous ces combats.
Nous pouvons gagner la récolte des 4,7 millions de signatures contre la privatisation du Groupe ADP. Nous voulons pour cela une campagne du mouvement ouvrier et du mouvement social, dans un cadre unitaire pour la défense des communs, la défense et la réappropriation des services publics dans tous les domaines essentiels de notre vie quotidienne. ATTAC et Copernic ont proposé la mise sur pied d’un collectif national qui sera, dans tout le pays, avec des collectifs locaux, l’outil de cette campagne.
Ce combat inclut, notamment, dans le domaine des transports, une politique privilégiant le développement des transports collectifs, en premier lieu le ferroviaire et les bus urbains et périurbains. Aujourd’hui, la Direction d’ADP poursuit aussi une fuite en avant dans une politique de développement du trafic aérien : en 2018, 72 millions de passagerEs à Charles-de-Gaulle, et le projet du nouveau 4e terminal géant pour 2028 vise 40 millions de passagerEs supplémentaires.
Défendre le caractère public d’ADP doit pour nous aller de pair avec la maîtrise collective et publique de l’activité de transport aérien qui est reconnue comme la plus polluante à critères comparables.
Inutile de dire que mener ces combats et développer ces axes de campagne ne se feront pas en mêlant nos voix et nos tribunes avec les élus LR comme certains s’en félicitent.
Correspondants