Après que les 400 agents du Centre Pompidou ont décidé de la grève en AG le 28 septembre à compter du 16 octobre, c’est désormais au tour des agents de la BPI (Bibliothèque publique d’information) de les rejoindre. Le 30 novembre, elles (ce sont surtout des femmes) étaient sur le parvis de Beaubourg pour faire connaître leur lutte, vendre du café et des gâteaux pour remplir la caisse de grève…
Le bras de fer ne semble pas terminé. Les travaux qui sont censées commencer en 2025 pour une période de cinq à sept ans entraînent le déménagement des œuvres et bien des incertitudes pour les personnels. Il y a depuis presque deux mois 900 jours de grève cumulés, et la détermination est intacte.
Des postes
D’abord, l’externalisation des missions des personnels est une menace qui pèsent sur les agentEs. Lors de la rencontre avec le chef de cabinet de la ministre de la Culture, le 17 octobre, l’intersyndicale CFDT-Culture, SNMD Culture-Culture, SPCP-FO, Sud Culture, et UNSA Culture a pu l’entendre affirmer qu’il n’était pas question d’externalisation, mais manifestement pas question non plus pour le ministère de l’écrire. La ministre a d’ailleurs, dans un courrier du 15 novembre aux organisations syndicales, affirmé qu’il était « trop tôt pour figer l'organisation de l'établissement à sa réouverture prévue dans sept ans, alors que les projets du Centre Pompidou sont en plein développement et en extension. Chaque agent présent à la réouverture retrouvera son poste, ou un poste correspondant à ses compétences, je m'y engage. »
Un engagement qui ne satisfait pas les agentEs qui s’inquiètent du maintien des plafonds des d’emploi et des missions des services publics. Et il y a de quoi… ! D’abord parce que d’ici à la réouverture, 25 % des personnels seront soit partis soit en âge de partir à la retraite, ce qui augure d’une baisse des effectifs. Ensuite, parce qu’on a vu d’autres musées réouvrir en externalisant… leur conférencierEs, par exemple, comme au musée de l’Immigration1. Enfin, parce que le projet culturel du président du Centre Pompidou semble loin de renforcer l’accès du plus grand nombre aux œuvres.
Des œuvres, et l’accès du public
Pendant les travaux, quelques œuvres iront dans des sites dédiés, comme le Grand Palais, pour des expos permanentes. C’est le projet « Centre Pompidou I Constellation ». Il est prévu deux expositions par an. Donc, le modèle économique change. Le Centre Pompidou est un établissement public, tandis que le Grand Palais est un EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial). Le service public permet de découvrir des artistes, bien loin des expos de blockbusters du Grand Palais. Et forcément, il y a des risques de doublons dans le personnel.
Par ailleurs, « Qui dit travaux, dit stockage », explique Nathalie Ramos de la CGT Culture. Or, le site qui doit accueillir les œuvres n’est pas encore construit, ce qui suppose donc que les œuvres déménagent d’abord dans un lieu temporaire. Le surcoût économique de deux déménagements, lié à la restauration des œuvres et aux assurances, à l’heure des restrictions budgétaires et des économies d’énergie, ulcère les personnels qui ont froid l’hiver au dernier étage de Beaubourg. Sans parler du coût écologique ! « On suggère à la direction de reporter le déménagement quand le lieu de stockage sera construit », souffle Nathalie.
La question de la bibliothèque
S’ajoute à cela le sort de la BPI qui doit déménager dans un bâtiment « lumière », dans le 12e arrondissement. « Une désélection intensive d’ouvrages est demandé aux titulaires, à hauteur de 100 000 livres à retirer des collections en un an, ce qui représente en fait dix ans de “désherbage” 2. Sur ces 100 000 titres qu’on nous demande de retirer, très peu peuvent être prêter gratuitement à d’autres bibliothèques de la Ville de Paris, car il y a tout un business mis en place avec Recyclivre. Certains livres iront au pilon. On ne sait pas à quelle surface on aura droit après le déménagement », explique Alma3, contractuelle à la BPI, qui avec ses collègues s’inquiètent pour le service public, mis à mal ces derniers temps par la direction.
La BPI offre un espace de refuge et de lecture gratuite aux personnes précaires, mais aussi des services d’auto-formation qui permettent de sortir de la précarité. C’est important de garder cette dimension, explique-t-elle. Par ailleurs, les contractuelles sont là pour neuf mois, ne sont pas renouvelables, et un délai de carence de deux ans est nécessaire pour être réembauché. L’idée de la direction est de donner une chance à tout le monde, au risque du turn over et du renforcement de la précarité. Le remboursement de la carte de transport est calculé sur la base de la carte Imagine’R, même si on n’est plus étudiantE. « La majorité d’entre nous a bac +3 ou bac +5, mais on est payé au Smic », assure Alma. Titulaires et vacataires sont unis réclamer des garanties sur le statut des contractuels, sur la politique documentaire et du service culturel, sur la qualité du service public.
La lutte n’est donc pas finie au Centre Pompidou, loin de là. Le 7 décembre, le CSA (comité social d’administration) ministériel a été investi par les travailleurEs de la Culture, rejoints par ceux et celles de Beaubourg, aux cris de « Pompidou en colère ! ». De quoi montrer à la ministre Rima Abdul Malak que les travailleurEs défendent les services publics… et ne sont pas résignéEs. Elle a pris la fuite après que l'intersyndicale a déposé le préavis de grève, décidée en AG à Beaubourg le matin même, jusqu'au 15 janvier. Le combat continue !