Alors que le gouvernement annonce un déficit de l’État colossal de 140 milliards d’euros, il faut bien reparler du plan d’aide aux banques. N’en déplaise à certains chroniqueurs de Libération.
C’est le principe de la rubrique « Intox/désintox », dans Libération : prendre en faute des dirigeants politiques sur ce qu’ils ont dit publiquement et de montrer qu’ils chercheraient à embrouiller l’opinion. C’est ainsi que le journaliste Cédric Mathiot a mis en cause une interview accordée par France Inter le 21 septembre à Olivier Besancenot pour parler de la lutte contre la privatisation de La Poste.
Olivier y opposait les raisons que le gouvernement avance pour justifier l’ouverture du capital de La Poste – un prétendu besoin de financements – au refus catégorique de l’État de ne serait-ce que rembourser ce qu’il doit à La Poste au nom de l’aménagement du territoire. Et tout naturellement, Olivier a opposé cette intransigeance aux 360 milliards d’euros que le gouvernement était prêt à offrir aux banques l’an dernier, et aux 105,7 milliards d’euros qu’il leur a versés à ce jour, d’après la Cour des comptes elle-même.
Le journaliste épingle Olivier sur le fait qu’il a affirmé que cet argent était donné, pas prêté. L’argent en question, affirme Cédric Mathiot, est prêté. Plus exactement la SFEF (« Société de financement de l’économie française », créée par le gouvernement en octobre 2008, après l’éclatement de la crise) a emprunté sur les marchés financiers avec la garantie de l’État pour prêter ensuite aux banques afin de pallier la paralysie du crédit interbancaire. Soit. Disons que le gouvernement avait ouvert une ligne de crédit de 360 milliards en faveur des banques, dont il a déjà débloqué près d’un tiers à ce jour. Sous forme de prêt certes, dont Cédric Mathiot affirme avec assurance que les banques commenceront à rembourser dès 2010. Fin septembre, BNP Paribas a même fait savoir qu’elle s’engageait à commencer à rembourser, dès ce mois-ci, les 5,1 milliards d’euros que l’État lui avait versés. Avec des intérêts même, ce qui faisait dire à Sarkozy il y a peu que la population y gagnerait ! Mais quel artisan ou paysan, quelle petite entreprise pourrait rêver se voir allouer une ligne de crédit aussi somptueuse, au prix d’un taux d’intérêt même de 8%, alors qu’ils sont quasiment en faillite ? Et en sachant de toute façon que, si leurs affaires ne s’amélioraient pas, ils n’auraient pas à rembourser ?
Ensuite, affirme Cédric Mathiot, « les sommes levées par la SFEF s’élevaient à 63 milliards au moment du rapport [de la Cour des Comptes]. Elles ont depuis grimpé à quelque 77 milliards. Cette somme n’est pas comptabilisée comme de la dette publique, la SFEF étant considérée comme un acteur privé. Sauf catastrophe et défaillance d’une banque – auquel cas la garantie de l’État pourrait être appelée –, l’opération ne pèsera pas sur le budget de la nation. » Alors que les autorités de l’Union européenne considéraient que les sommes levées par la SFEF devaient être comptabilisées dans la dette publique, le gouvernement français, qui avait un temps envisagé de privatiser la société pour contourner l’obstacle, a finalement obtenu gain de cause au mois de juillet dernier.
Formellement, ces milliards ne sont pas comptabilisée dans la dette publique. Il n’en reste pas moins que le déficit de l’État a presque triplé en un an, de 56,2 milliards d’euros à 141 ! Et ce ne sont ni les services publics, santé, éducation, réduits à la portion congrue, qui en sont responsables, ni les fonctionnaires dont les salaires sont quasiment bloqués et les postes de ceux qui partent à la retraite non remplacés. Pas plus que les centaines de milliers de salariés jetés à la rue depuis le début de la crise.
On nous répète aussi que c’est la diminution des recettes, de l’impôt sur les bénéfices des sociétés, qui expliquerait ce déficit record. C’est vrai, mais pour une partie tout à fait minime seulement ! Cette manipulation des chiffres que ne relève malheureusement pas Cédric Mathiot est destinée à accréditer cet énorme mensonge selon lequel toute la population aurait intérêt à ce que les grosses entreprises engrangent encore plus de profits. Encore plus que les 25,5 milliards d’euros qu’elles ont réalisés pour le seul premier semestre 2009 malgré la crise, grâce à des centaines de milliers de licenciements et à l’intensification de l’exploitation.
Cédric Mathiot met décidément sa plume au service d’une bien mauvaise cause : masquer un gigantesque hold-up sur les finances publiques au profit des banques et des multinationales.
Galia Trépère