Entretien. Secrétaire général de la Fédération CGT des services publics, Baptiste Talbot nous explique les enjeux de la journée de grève qui a eu lieu ce mardi 19 mai.
Quels sont les enjeux de la réforme territoriale qui justifient cette mobilisation ?La réforme territoriale menée par Hollande et son gouvernement prolonge celle de Sarkozy. Elle participe ainsi d’une forme de consensus austéritaire dont l’objectif premier est la baisse forcenée de la dépense publique.Cette réforme, avec son volet métropolisation/régionalisation, est une machine à concentrer les richesses et les lieux de décision et donc à désertifier le territoire. En cohérence avec le Pacte de responsabilité et les autres réformes de l’action publique, elle vise à réduire la participation du capital au financement de notre modèle social et à mettre les moyens publics au service des grandes entreprises.Cette concentration sur les grandes entités contribue aussi à l’affaiblissement de la démocratie de proximité. Le gouvernement veut donner aux régions un pouvoir d’adaptation réglementaire pour tenir compte de leurs spécificités. La loi ne serait donc plus la même sur l’ensemble du territoire : c’est la République une et indivisible qui est en jeu.Il faut enfin souligner que cette réforme est menée sans débat public digne de ce nom, sans consultation démocratique, sans négociation avec les représentants des personnels.Ce grand recul social et démocratique contribue puissamment à la montée de l’extrême droite.
Comment cela impacte-t-il les conditions de travail des agents de la fonction publique territoriale ?En lien avec la réforme territoriale, Hollande a décrété 11 milliards de coupes dans les dotations de l’État aux collectivités d’ici à 2017, soit 5 % de leur budget. Couper une telle masse financière a nécessairement un impact sur l’emploi.D’ores et déjà, des plans de suppressions de postes sont mis en œuvre ou programmés dans de nombreuses collectivités. Les agents de celles dont les périmètres vont évoluer sont dans une grande incertitude quant à leur devenir en termes d’affectation et de conditions d’emplois. Ce contexte anxiogène crée un climat très difficile. Les conditions de travail se dégradent et la souffrance grandit parmi les personnels.
Quelles en sont les conséquences concrètes pour les usagers ?Les attaques contre les moyens des collectivités, et donc l’emploi et le service publics, rejaillissent mécaniquement sur le service rendu aux usagers. Dans les zones périphériques, rurales et urbaines, on assiste à un fort recul du service public, qui s’accentuera si l’offensive en cours n’est pas stoppée. Un peu partout, des projets sont abandonnés, des activités deviennent payantes ou sont arrêtées. En raison notamment de la baisse des dotations, on recense dans le domaine culturel plus de 150 festivals supprimés ou annulés.
Une manifestation spécifique est prévue à Lyon. Pourquoi ?La métropole lyonnaise voulue par Gérard Collomb constitue le modèle le plus achevé, le plus intégré, le plus conforme aux volontés du patronat. Il s’agit aussi du modèle le moins démocratique dans ses conditions de construction. Cela est cohérent puisque le capital considère chaque jour davantage la démocratie comme une contrainte dont il est urgent de s’affranchir.Collomb a illustré cette réalité le 23 mars en faisant charger par la police les agents grévistes de la métropole, mobilisés en intersyndicale pour porter leurs revendications. Cette intervention s’est conclue par des hospitalisations, des interpellations et des poursuites judiciaires contre deux collègues. Le 19 mai était donc aussi un moment de réaffirmation de l’importance des libertés syndicales comme condition de la lutte contre l’offensive en cours.
Au-delà de cette journée, quelles sont les prolongements prévus par l’intersyndicale, par la CGT ?Il est important de relever que les organisations mobilisées le 19 mai – CGT, FO, FAFPT, SUD, FSU – représentent en audience électorale une majorité des personnels territoriaux. Ce maintien d’un axe unitaire majoritaire de contestation et de propositions est un fait majeur. Nous entendons bien continuer à résister et à promouvoir le service public territorial comme un outil indispensable de réponse aux besoins sociaux.Au-delà du 19 mai, plusieurs de nos organisations sont engagées dans la préparation de la manifestation nationale de Guéret du 13 juin. Par ailleurs, avec tous les syndicats de la fonction publique, nous participons aux démarches de contestation du projet Lebranchu de réforme des carrières et rémunérations. La CGT continue d’œuvrer dans ce cadre à la construction de mobilisations les plus unitaires possible pour élever le niveau du rapport de forces.
Propos recueillis par Robert Pelletier