Publié le Vendredi 30 janvier 2009 à 19h09.

Loi Bachelot : vers la privatisation de l'hôpital

Le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, doit être débattu au Parlement à partir du 10 février. Il vise à donner à l’hôpital public un fonctionnement inspiré du privé et à transférer à ce dernier une partie de ses missions.

L’hôpital public a vocation à accueillir tous les patients, quels que soient leur âge, leur situation sociale, leur état de santé, le jour et l’heure auxquels ils se présentent. Malgré les reculs, la dégradation du service, les difficultés et dysfonctionnements qui existent réellement ici ou là, ce principe est encore globalement respecté à l’heure actuelle.

Pourtant, le projet de loi « portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires », soumis prochainement au Parlement, entend sous couvert de moderniser et réorganiser le système de santé et de favoriser l’accessibilité et la coordination des soins, restructurer celui-ci de manière majeure et sans équivoque, en supprimant la notion même de « service public hospitalier » tel qu’il est décrit dans l’article L6112-1 du code de la santé publique.

Rentabilité maximale

Appuyé sur les rapports Vallancien et Larcher, le projet, sans nul doute d’inspiration néolibérale, vise en effet, dans son titre 1, à substituer à la notion de « service public hospitalier » celle de « missions de soins », gommant ainsi les différences entre l’hôpital public et les cliniques privées et relativisant les missions d’intérêt général dévolues jusqu’alors aux hôpitaux. Dans la mesure où les établissements privés commerciaux pourraient se voir confier des missions de service public, les nouvelles dispositions autoriseraient et légitimeraient la suppression de services publics jugés non rentables. Elles conduiraient le patient à s’adresser au privé, sans garantie de tarifs opposables et de pérennité de l’offre de soins.

La simplification du droit des groupements de coopération sanitaire (GCS) va dans le même sens. Au-delà de l’exploitation d’équipements mutualisés, il s’agit d’autoriser les GCS à exercer des activités de soins, et donc de faciliter la création de nouveaux établissements privés de santé.

Hôpital entreprise

Dans le même axe que les innovations libérales, déjà introduites en 2005 par la réforme de la « nouvelle gouvernance », le projet Bachelot renforce l’évolution du management dans le sens d’un hôpital géré comme une entreprise. Le directeur, dont les conditions de recrutement, de nomination et de statut sont sensiblement modifiées – avec une très large ouverture vers les méthodes et le contrat de travail du privé –, devient le véritable et l’unique responsable de l’hôpital, chapeauté au plus près par le directeur de l’agence régionale de santé (ARS). Le conseil exécutif cède la place à un directoire entièrement à la main du directeur. Le conseil d’administration dans sa dimension pluraliste, avec son système de représentation imparfait mais réel des usagers, des personnels, des élus locaux, disparaît au profit d’un conseil de surveillance « resserré », sans participation des représentants des patients et avec une représentation amoindrie du personnel. Les statuts des cadres de direction et des praticiens hospitaliers sont sérieusement remis en cause par l’introduction, au sein de l’hôpital public, de directeurs contractuels et de médecins à activité libérale ou à statut contractuel, avec rémunération variable à l’activité. S’il s’agissait, comme le dit le proverbe chinois, de « pourrir le poisson par la tête », on ne s’y prendrait pas autrement.

Un autre aspect majeur de la réforme consiste à reconfigurer le système sanitaire au plan territorial, avec l’objectif de réduire l’offre de santé et, par conséquent, les dépenses. Sous le prétexte d’améliorer les coopérations locales et les parcours de soins, on veut mettre en place des communautés hospitalières de territoire dont la résultante sera nécessairement la rétraction des moyens, tant en ce qui concerne les capacités d’hospitalisation – dont les dysfonctionnements récents montrent à l’évidence qu’elles ne sont pas pléthoriques – que, naturellement, les ressources humaines.

Au total, alors que la conjoncture financière et économique démontre avec éclat que le néolibéralisme et le marché conduisent à la faillite, Nicolas Sarkozy et son gouvernement persistent dans leurs dogmes idéologiques au service des intérêts privés. Ils veulent appliquer une purge fatale à ce qui reste de plus performant dans le service public.

Chaque jour démontre que la société et le système de santé souffrent bien plus du manque que de la pléthore de service public. Les personnels et les usagers de la santé sauront faire échec à cette entreprise anachronique. Tant il est vrai que toute restriction de l’espace public de santé, constituerait une nouvelle restriction de l’espace démocratique.