Sarkozy était bien obligé de mettre fin au scandale du bouclier fiscal alors que commence la campagne pour la présidentielle. C’est fait avec en contrepartie l’allègement de l’impôt sur les grandes fortunes, au final un nouveau cadeau de plus de 900 millions d’euros. Peu de temps après son élection, Sarkozy avait fait adopter, le 1er août 2007, la loi Tepa (Travail, emploi et pouvoir d’achat) qui mettait en œuvre une de ses promesses aux classes privilégiées, la diminution du bouclier fiscal de 60 % à 50 %. Les grandes fortunes ne pouvaient être imposées de plus de 50 % de leurs revenus. Un joli cadeau pour quelque 19 000 très grosses fortunes dont Bettencourt qui, par exemple, recevra du fisc un chèque sur le « trop-perçu » de 30 millions d’euros ! Le scandale provoqué a contraint Sarkozy à en finir avec le bouclier fiscal. Mais, justice de classe oblige, il fallait donner aux riches une compensation. Voilà qui est fait avec l’annonce de la réforme fiscale devant les députés UMP par Sarkozy puis par le ministre du Budget François Baroin devant les parlementaires de la majorité. Le projet sera présenté devant le conseil des ministres le 11 mai pour être adopté par l’Assemblée nationale courant juillet. L’impôt sur les grandes fortunes serait supprimé pour les détenteurs d’un patrimoine taxable entre 800 000 euros et 1,3 million d’euros, et allégé considérablement pour les autres grâce à la baisse des barèmes. Entre 1,3 million et 3 millions d’euros de patrimoine, ils seraient taxés à 0,25 %. Au-delà de 3 millions, le taux serait de 0,5 %, alors qu’aujourd’hui les taux progressifs, par tranches, vont de 0,55 % à 1,8 %. Ils conserveraient un abattement de 30 % sur la valeur de leur résidence principale – qui fait que le seuil réel est d’ores et déjà bien au-dessus de 800 000 euros – et les biens professionnels ou les œuvres d’art échapperaient à toute taxation. Un tour de passe-passeSur les 600 000 fortunes assujetties à l’ISF, 300 000 d’entre elles y échapperaient ainsi, auxquelles s’ajouteront les 200 000 qui y auraient été nouvellement assujetties. Baroin peut se vanter de ne pas avoir « un impôt spoliateur ». C’est le moins que l’on puisse dire. Les plus riches pourront se consoler de la quasi-disparition du bouclier fiscal par cet impôt « allégé » : ceux qui disposent d’une fortune supérieure à 16,7 millions d’euros récupéreraient, selon l’évaluation de la commission des finances de l’Assemblée, 350 millions d’euros, soit presque autant que ce que l’État leur remboursait comme « trop-perçu » au titre du bouclier fiscal. Pour faire face au manque à gagner pour l’État, entre 800 millions et un milliard d’euros, le ministre du Budget n’a annoncé qu’une seule mesure précise, le relèvement des droits de succession sur les gros héritages, pour rester dans le flou. Au final le gouvernement a réussi à faire un nouveau cadeau aux plus riches. En prenant prétexte du mécontentement provoqué par le bouclier fiscal auprès des classes populaires, il se prépare à aménager sinon liquider l’impôt sur les grandes fortunes, « impôt contre la réussite aux effets psychologiques désastreux » selon un éditorial du journal les Échos. Patrons et bourgeois se frottent les mains. Ce nouveau tour de passe-passe de Sarkozy ne trompe personne. Ce sera aux travailleurs, aux classes populaires de payer la note par l’austérité et la rigueur, au nom de la lutte contre les déficits, au détriment en particulier des services publics. Pour Christine Lagarde, la priorité, c’est « la limitation des dépenses publiques ». Il y a une autre politique, celle qui consiste à faire payer les riches, à annuler la dette publique pour cesser de verser à ces derniers des intérêts exorbitants, une rente, au détriment de la collectivité. Cette politique, il faudra l’imposer aux riches comme à l’État qui les sert. Un bouleversement de plus en plus urgent.
Yvan Lemaitre