Entretien avec Eddy, aiguilleur à Nîmes.
En quoi consiste ton travail ? Comment est-il organisé ?
Je travaille comme aiguilleur à la gare de Nîmes, donc la partie SNCF Réseau. Je suis agent de réserve et j’interviens sur plusieurs postes. On fait surtout du remplacement. Les postes sont ouverts 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, donc on fait les 3 × 8. Il n’y pas une semaine qui est pareille, une fois c’est le matin, ensuite c’est l’après-midi, le lendemain ça peut être la nuit. Des fois on peut remplacer quelqu’un pendant une semaine et faire les nuits toute la semaine. On change d’horaires constamment et c’est difficile de se projeter. Pour nous les agents de réserve, on est une dizaine sur la gare de Nîmes, la programmation dépasse rarement une ou deux semaines. Ce qui est garanti et prévu, ce sont les repos. Je n’ai pas de visibilité sur mon emploi du temps, ça rend tout compliqué. Ça fait plus de 7 ans que je travaille dans ces conditions-là.
Quels sont les risques pour ton métier si la réforme passe ?
Il y a pas mal de choses. Mais il faut dire qu’un certain nombre de décisions qui ont déjà été prises ont eu un impact sur notre travail. L’abandon de l’exploitation du fret par la SNCF par exemple, ça fait qu’on n’intervient plus à certains endroits, il y a des chantiers qui sont en train de mourir, des installations qui ne sont pas réparées et où la circulation est donc figée. Il y a déjà un abandon du service ferroviaire à travers le secteur du transport des marchandises. Avec la réforme, ça va accélérer tout ça, les restructurations, vouloir toujours plus de rentabilité, etc. Ça va encore dégrader les conditions de travail, les conditions de circulation, toujours plus d’installations qui vont fermer, etc.
Comment se déroule la mobilisation ?
C’est très fort. On ne rencontre pas trop de difficultés pour mobiliser. La grève de 48 heures répétée tous les 5 jours passe plutôt bien, même si elle interroge car on n’est pas habitués à ce genre de grève. Chez les militants syndicaux on se pose des questions, mais dans un milieu plus large ça semble être un bon choix. Mais la mobilisation prend, c’est clair. Même chez les cadres, dans des services qui vont être rapidement mis en concurrence, ils comprennent qu’ils vont être frappés de plein fouet. De la base à l’encadrement, les gens se mobilisent, et vont continuer à se mobiliser. Au sein du syndicat, on s’organise en AG avec les gens de tous les services, ça permet de se coordonner, d’échanger les informations. À la dernière AG, tous les services étaient bien représentés. Et dès le 22 mars, alors qu’il n’y a pas Sud-Rail à Nîmes, la grève était déjà très réussie. Le 22 mars comme le 3 avril, il y avait plein de gens qui faisaient grève pour la première fois, ça se voit, ils nous demandent comment faire pour se déclarer grévistes, c’est très bon signe pour la suite.
Propos recueillis par Julien Salingue