Fin août, Philippe Wahl, PDG de La Poste, annonçait aux organisations syndicales un rapprochement entre celle-ci et la Caisse nationale de prévoyance. Le lendemain, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, faisait la même annonce dans une interview donnée à Radio Classique. Le ballet entre dirigeants de La Poste et gouvernement est bien orchestré.
L'opération, qui relève du meccano financier, a pour conséquence la perte de l’actionnariat majoritaire de l’État dans l’entreprise. La Caisse nationale de prévoyance (CNP assurances) est jusqu’à aujourd’hui principalement détenue par la Caisse des dépôts et consignations (le bras armé financier de l’État). Le montage envisagé consiste en un transfert des 41 % de la CNP détenus par la CDC vers La Poste, faisant mécaniquement grimper la CDC au capital de cette dernière, au point d’en devenir l’actionnaire majoritaire, en lieu et place de l’État. L’actuelle valorisation de La Poste est estimée à environ 5 milliards d’euros (3,7 milliards pour l’État, 1,25 milliard pour la CDC). Les parts de la CNP que la CDC apporte au capital représentent 6,5 milliards. Une affaire de gros sous donc.
Dégager toujours plus de profits
L’objectif de ses dirigeants est de positionner La Poste face à d’autres groupes, en France et ailleurs. La constitution d’une entité mêlant banque et assurance répond en partie à cet objectif. Côté colis, un autre secteur sur lequel La Poste est à l’offensive, les achats d’entreprises se sont multipliés à l’international ces dernières années, en Europe et maintenant en Amérique du Sud et en Asie. Des opérations non seulement potentiellement risquées, mais qui demandent des rentrées d’argent frais (le rachat d’une société européenne coûte par exemple l’équivalent des bénéfices de La Poste sur une année). Pour dégager des profits, l’actuel PDG, dans la droite ligne de ses prédécesseurs mais en accélérant la cadence, a opéré des coupes franches dans l’emploi. Conséquence, une dégradation brutale des conditions de travail, des suppressions de tournées, de bureaux de poste. Mais cela n’est pas suffisant, d’où l’opération en cours.
Aucune amélioration du service à l’horizon
Il n’y a donc aucune chance que le rapprochement Poste/CNP modifie la tendance, bien au contraire. Si l’apport de la CNP augmente les fonds propres du groupe, c’est pour lui permettre d’emprunter plus, pour investir plus. Donc, pas d’augmentations de salaires ni de créations de postes ni d’amélioration du service public à l’horizon. Les discours de Wahl et Le Maire sur le « pôle financier public au service des territoires » relèvent de l’enfumage le plus grossier. Après la transformation de La Poste en société anonyme en 2010, il s’agit là d’un pas de plus vers la privatisation totale, quelle que soit sa forme. Il faudrait avoir la mémoire bien courte pour oublier ce qui s’est passé à France Télécom ou dans d’autres entreprises publiques. Par ailleurs non seulement la CNP est cotée en bourse (et le restera), mais la CDC, toute publique qu’elle est, demande des retours sur investissement conséquents.
Désengagement de l’État et grandes manœuvres capitalistiques, sur fond de concurrence exacerbée, constituent le fond de cette affaire dans laquelle ni les postierEs ni la population n’ont quoi que ce soit à gagner.
Édouard Gautier