Publié le Lundi 31 octobre 2011 à 10h06.

Archives nationales. La répression pour seule réponse

Depuis le 12 septembre 2010, les salariéEs des Archives nationales de Paris luttent avec succès contre l’implantation de la Maison de l’histoire de France aux Archives.  Trois responsables syndicaux sont aujourd’hui menacés de sanctions disciplinaires, dont notre camarade Wladimir Susanj qui a répondu à nos questions.

Pouvez-vous rappeler la lutte que vous menez depuis un an ?Cela fait maintenant plus de treize mois que nous combattons le projet d’implantation de la Maison de l’histoire de France aux Archives nationales. Ce projet, voulu par Sarkozy, est nocif à plus d’un titre. Idéologiquement, il est réactionnaire sur toute la ligne car il prône les pires « valeurs » de la France nationaliste, pro-coloniale, raciste et xénophobe. Il met en relief les concepts d’identité nationale, de quête identitaire et mémorielle particulièrement inquiétantes et dangereuses. 

À l’image de son initiateur, Sarkozy. D’ailleurs, l’avant-projet du Comité d’orientation scientifique de la Maison de l’histoire de France, dont Jean-Pierre Rioux est président, est placé sous l’égide intellectuelle d’un historien français du xixe siècle, passé à la postérité comme un historien raciste, colonialiste et précurseur idéologique de Maurras : Ernest Renan. Voici quelques-unes de ses « pensées » : « La colonisation en grand est une nécessité politique tout à fait de premier ordre. Une nation qui ne colonise pas est irrévocablement vouée au socialisme, à la guerre des riches et des pauvres. La conquête d’un pays de race inférieure par une race supérieure, qui s’y établit pour le gouverner n’a rien de choquant », ou encore : « La démocratie fait notre faiblesse militaire et politique ». Mais aussi : « Un tel morcellement (de la France ndlr) a failli se faire au mois de mars dernier : il se ferait le jour où la France serait mise encore plus bas qu’elle ne l’a été par la guerre de 1870 et par la Commune ». Rappelons à ce sujet que cet individu applaudit au massacre des Communards lors de la Semaine sanglante. Belle référence intellectuelle en vérité.

Ensuite, cette Maison de l’histoire de France menace brutalement et directement l’existence même des Archives nationales puisqu’elle leur vole plus de 10 000 m2 de surface.

Il n’est pas inutile de rappeler que les Archives nationales ont été créées dans le souffle de la Révolution de 1789 et qu’elles représentent la mémoire vivante de tout un pays. C’est dans notre institution, dans nos bâtiments et dépôts que sont jalousement gardés les documents historiques tels que les papyrus mérovingiens, les chartes royales, tout autant que les archives de l’insurrection des Canuts, la glorieuse Commune de Paris, l’affaire Dreyfus, la colonisation – dont celle de l’Algérie –, sans oublier les dossiers sanglants des bombardements de Sétif et Guelma ainsi que ceux des heures sombres des massacres du 17 octobre 1961. Étouffer les Archives, ce serait consciemment détruire toute trace des faits et méfaits des oppresseurs.

Voilà pourquoi nous avons occupé les Archives nationales pendant neuf mois, fait signer une pétition qui a recueilli plus de 23 000 signatures, dont des centaines d’historiens, universitaires, archivistes et citoyens, réalisé trois meetings dans les salons des Archives nationales et également pas mal de conférences de presse.Quels sont les motifs des poursuites disciplinaires ?C’est l’organisation d’une conférence de presse dans l’enceinte des Archives nationales le 17 mai 2011 qui nous vaut ces poursuites. Il y avait à cette réunion, outre les trois responsables de l’intersyndicale Archives (Éliane Carouge pour la CFDT, Béatrice Hérold pour la CFTC et moi-même pour la CGT Archives), Martine Billard, députée de Paris (PG), Jack Ralite, à l’époque sénateur de Seine-Saint-Denis et ancien ministre, Nicolas Offenstadt, historien, Maurice Rajsfus, historien ainsi que Gaël Quirante pour le NPA.

En vertu d’un décret de 1982 sur les droits syndicaux dans la fonction publique qui interdit la tenue de réunions au sein des locaux si elles sont ouvertes à d’autres publics que les seuls agents, nous sommes donc traînés devant un conseil de discipline. Les menaces qui planent sur nous sont très graves car elles peuvent aller d’un avertissement, un blâme (ce qui est déjà une sanction lourde dans un dossier administratif), à la suspension voire la radiation. Notre crime à leurs yeux est d’avoir organisé la résistance des personnels avec l’intersyndicale. En bref, d’avoir appliqué notre mandat syndical, ni plus ni moins. C’est, dans le contexte politique, une nouvelle tentative de criminalisation de l’action syndicale.

Cela nous rappelle les poursuites qui ont été engagées il y a peu de temps contre les postiers du 92, dont notre camarade Olivier Besancenot. C’est de même nature : faire taire ceux qui refusent.Comment faire pour vous aider ?Tout ce qui va dans le sens de la mobilisation unitaire nous aide. Il y a eu le meeting unitaire du 18 octobre à la Bourse du travail de Paris, rassemblant dans un bloc déterminé l’intersyndicale de la Culture, des Archives nationales, ainsi que les organisations politiques PS, NPA, Front de Gauche et EÉ-LV.

Il faut dénoncer haut et fort cette offensive contre les droits syndicaux par tous les moyens nécessaires, il faut nous aider à monter une forte délégation au ministre de la Fonction publique et pourquoi pas à Sarkozy lui-même pour exiger l’abandon des poursuites contre les trois des Archives.