Nous avons rencontré Konstantin, salarié à Biocoop à Paris, suite à la nouvelle journée de grève et de mobilisation dimanche 6 septembre.
Peux-tu revenir sur les raisons de la grève à Biocoop qui a pour point de départ le refus du travail du dimanche mais dont les revendications dépassent cette seule question ?
A Biocoop – Le Retour à la Terre, deux magasins à Paris, nous avons appris juste après le déconfinement que les magasins étaient mis en vente et que les ouvertures le dimanche allaient commencer au mois de septembre sur le magasin de la rive droite (11e) pour que la patronne puisse avoir la vente la plus profitable possible.
Cette nouvelle a été perçue comme un énorme choc car on s’était tué à la tâche pendant trois mois et on s’est rendu compte que nos conditions de travail pendant le confinement ont mis en évidence des problèmes qui existaient déjà depuis de très nombreuses années au Retour à la Terre : un management toxique, pas de grille de salaires respectée, aucune écoute des salariés, plusieurs licenciements abusifs dans l’histoire de la boite.
C’est donc assez naturellement qu’une réunion inter-magasins a été mise en place car les employéEs ont immédiatement souhaité organiser leur colère. C’est dans ce cadre d’auto-organisation qu’on a lancé ce mouvement de grève contre les ouvertures le dimanche, pour que les collègues souhaitant partir puissent avoir des ruptures conventionnelles et toucher le chômage pour lequel ils ont cotisé toutes ces années, pour que les salaires soient revalorisés car on est extrêmement nombreux à faire des tâches de grades supérieurs sans reconnaissance de nos qualifications, et pour que l’on puisse disposer de deux jours consécutifs de repos hebdomadaire pour garantir notre santé au travail.
Le commerce est un secteur difficile à mobiliser. Sur la base de la mobilisation en cours, comment résister à la division et créer des convergences ?
Bien que les magasins de rive Gauche et de rive Droite fassent tous les deux partie de la même franchise de Biocoop, nous ne nous connaissions pas tous avant le confinement car l’unité économique et sociale n’est pas reconnue (donc nous n’avons ni élections professionnelles ni délégué syndical). Ce qui a permis de rompre l’isolement, ça a été d’aller se rencontrer directement et de fixer une date d’assemblée générale pour parler de nos difficultés. A cette époque, la grève n’était qu’une proposition sur l’ordre du jour et nous étions peu nombreux à penser que ça allait être notre mode d’action par définition à l’avenir.
Ce n’est d’ailleurs pas une coïncidence si notre première journée de grève s’est déroulée le 9 juillet à l’occasion de la grève nationale des travailleurs des commerces et services. Tout au long du confinement, nous avions suivi les mobilisation qu’ont menées les salariéEs de Carrefour, Auchan, Amazon etc. Se rencontrer entre salariéEs des différentes enseignes nous a permis de penser politiquement ce qui s’abat sur notre secteur et l’ensemble de notre camp social.
Comment envisages-tu la suite de la mobilisation après les trois journées de mobilisation depuis juillet ?
Après le Ségur de la santé, on a le droit cette semaine au Ségur de Biocoop – Le Retour à la Terre. Plutôt que de négocier avec notre délégation de grévistes, notre patronne a décidé de mettre en place une réunion plénière pour raconter l’histoire de l’entreprise et répondre aux interrogations des salariéEs qui lui auront envoyé des questions à l’avance par mail… Nous ne nous faisons pas d’illusions et comptons bien continuer notre mobilisation jusqu'à la victoire.
Nous avons à présent deux axes : notre lutte locale propre à notre franchise mais également le combat au niveau national car depuis la médiatisation de notre grève, ce sont des salariéEs d’une vingtaine de magasins Biocoop en France qui nous ont contacté pour témoigner de leur envie d’élargir la grève dans leurs magasins car ils vivent également la dégradation de leurs conditions de travail mais aussi du harcèlement et parfois des licenciements.
Samedi 12 septembre, nous organisons un piquet de grève devant le magasin de la rive gauche au 5 rue le Goff (5e), et le jeudi 17 septembre nous organisons un cortège commun dans la manifestation parisienne avec les collègues en lutte des autres villes qui montent à Paris pour l’occasion parce qu’il est fondamental de renforcer les cadres d’auto-organisation, de coordonner le secteur pour lui permettre de mettre en place une riposte à la hauteur des attaques, en refusant les licenciements, les PSE, les attaques contre les conditions de travail tout en revendiquant la hausse des salaires et le partage du temps de travail pour que les travailleurs, la jeunesse, les chômeurs ou les retraités ne paient pas la crise.
Propos recueillis par Manu Bichindaritz