Le 1er Mai parisien est assez révélateur de la situation sociale et des politiques des directions syndicales. Cette année, CFDT, Unsa et CFE-CGC se rassembleront place Stalingrad tandis que la CGT, la FSU, FO et Solidaires appellent à manifester, notamment contre le pacte de responsabilité. Ainsi, à la veille de son 48e congrès coïncidant avec son 50e anniversaire, la direction de CFDT confirme son passage avec armes et bagages du côté de la politique libérale d’un gouvernement mettant en œuvre les desiderata du Medef.
Déconfessionnalisation et réformisme radicalLe passage de la CFTC à la CFDT fut le résultat de la montée d’une opposition soutenant à la fois les luttes et la déconfessionnalisation, entraînant 90 % de la CFTC vers une CFDT qui reconnaissait l’existence d’antagonismes dans la société et visait à « susciter chez les travailleurs la nécessité de leur émancipation ». Dépourvue d’une colonne vertébrale idéologique, la CFDT va se révéler perméable aux tendances de la société et sensible aux rapports de forces, pour le meilleur et pour le pire… Face aux Ordonnances gaullistes d’août 1967 démantelant la Sécurité sociale, la CFDT dénonce le passage « d’un système de solidarité à une formule d’assurances privées ». La « disponibilité » idéologique de nombreux militantEs permet de mieux répondre aux préoccupations des années 1968 : autogestion, revendications spécifiques des femmes, des immigréEs, des jeunes... L’accompagnement (déjà) de la politique de la « Nouvelle société » de Chaban-Delmas suscite des débats tendus dont Edmond Maire sort vainqueur en 1970. Il en profite pour réformer structures et fonctionnement : suppression de la représentation directe des syndicats dans les instances nationales et prise en main de celles-ci par une direction dont la cohérence politique sera confortée par la centralisation des moyens financiers. Pendant 10 ans les débats vont se poursuivre avec des pratiques contradictoires. D’un côté les grèves du Joint Français, de Pennaroya, Nouvelles Galeries, Lip, luttes des soldats ; de l’autre, dénonciation des gauchistes, refus de la candidature Piaget aux présidentielles de 1974...
De recentrage en recentrage...Dès 1977, un premier recentrage est engagé : la crise, la dégradation du rapport de forces servent de justification à l’accompagnement des gouvernements de droite comme de gauche. Oppositions et ruptures se multiplient à partir des exclusions des animateurs des luttes dans les PTT (1988) et chez les infirmières (1989) donnant naissance aux SUD. Après la dénonciation de la mobilisation de l’hiver 1995, les opposantEs ne parviendront pas à infléchir la ligne majoritaire et dissolvent l’association « Tous ensemble » en 1999. L’orientation confédérale est confortée par des progrès des effectifs et des résultats électoraux. Un nouveau pas est franchi avec le soutien apporté, le 13 mai 2003 en pleine mobilisation, à la réforme Fillon, suivi par la signature de l’accord sur l’indemnisation des intermittents du spectacle. Ceci entraîne le départ de milliers de militantEs vers la CGT, Solidaires ou la FSU. Au-delà des valses hésitations qui voit la CFDT participer à la lutte contre le CPE, soutenir le TCE (2005) et s’associer à la CGT pour l’accord sur la représentativité syndicale (2008), le positionnement de la confédération se résume à un accompagnement des conséquences de la crise et des politiques gouvernementales.
L’enregistrement des renoncementsC’est dans cette logique que s’inscrivent les propositions de modification des statuts au prochain congrès. Elles prévoient « une approche constructive du dialogue social » qui doit devenir « la voie privilégiée pour dépasser les conflits » dans le cadre « d’un mode globalisé en perpétuelle mutation et pour bâtir une Europe qui garantisse la paix et la démocratie et organise la convergence politique économique et sociale ». Des modifications inamendables ! Surtout pas par celles et ceux qui, comme les animateurs de la lutte chez Sanofi, ont été mis sur la touche...
Robert Pelletier