Publié le Jeudi 6 novembre 2014 à 08h00.

CGT : poser les questions de fond

Malgré la tentative de déminage entamée lors du Comité national confédéral de ce mardi 4 novembre, la dotation immobilière du secrétaire général de la CGT a causé des dégâts auprès des militantEs et de salariéEs déjà critiques à l’encontre des appareils syndicaux. Au-delà du mélange de colère et d’indignation qu’elle a suscité, cette révélation soulève plusieurs questions.

Ce sont moins les sommes dénoncées – très en deçà des vraies frasques immobilières des Juppé, Gaymard ou des scandales financiers auxquels ont été mêlés les Woerth, Cahuzac et consort – que l’état d’esprit qu’elles révèlent, qui suscitent l’indignation. Quand le trésorier confédéral, dans des propos ni démentis ni condamnés à ce jour, déclare : « On n’a pas osé le loger à Clichy ou à Aubervilliers », ou que Etiévent (historien, spécialiste d’Ambroise Croizat) écrit sur son blog : « que le camarade Le Paon soit logé décemment (même si le devis pourrait être moins salé, quoique !) ne me gêne en rien. Pourquoi un dirigeant ou un simple militant devrait être logé dans un gourbi », voilà des propos qui montrent la distance que peuvent prendre des dirigeants d’organisations syndicales avec les préoccupations des salariéEs, des chômeurEs, des jeunes, qui galèrent et sont bien contentEs d’obtenir un appartement en HLM à Montreuil (comme c’est le cas de nombreux permanents provinciaux qui militent au siège de la CGT).La seconde question soulevée est celle de l’origine de la fuite. S’il ne faut pas exclure que la boule puante ait pu être lancée par des ennemis avérés de la CGT, le sentiment dominant est qu’elle vient de l’intérieur. L’absence de démocratie dans la CGT contraint celles et ceux qui ont des divergences, bien normales dans une organisation de plusieurs centaines de milliers de militantEs, à des contorsions, des manœuvres, voire des coups bas pour exprimer ces désaccords. Les attaques régulières contre Lepaon depuis qu’il a succédé au mandat déjà bien mouvementé de Thibault, en fournit quelques exemples. Mais à quelques jours d’élections importantes dans la fonction publique, cela peut aussi signifier se tirer une balle dans le pied...

De classe et démocratique ?Mais la question essentielle est celle de l’orientation confédérale. Au moment où le Canard Enchaîné « sortait » l’affaire, la commission exécutive confédérale approuvait un laborieux texte sur le dialogue social qui commence par déplorer que « l’ouverture d’une réelle négociation n’est pas assurée ». Négociation « à froid » dans laquelle la défense des institutions représentatives du personnel (IRP) est présentée, avant tout, comme la défense du droit à l’information, à la consultation des salariéEs, et non comme celle d’outils de combat contre le patronat. « Contester, proposer, peser sur le rapport de forces pour obtenir un niveau de compromis traduisant des avancées pour les salariés » résume la feuille de route d’un syndicalisme guère éloigné de celui proposé par d’autres.C’est la logique du dialogue social dans lequel est profondément engagée la direction confédérale, même si des voix contestatrices lui ont imposé de « sécher » la Grande conférence sociale de juillet dernier. Il est d’ailleurs remarquable que, du côté du patronat et du gouvernement, des voix se sont élevées pour déplorer le risque d’affaiblissement de la CGT, au moment où s’engage la discussion sur les seuils sociaux au travers de laquelle le Medef espère bien réduire les moyens des IRP.L’autre débat à engager est celui sur le fonctionnement de la CGT : permanents (salaires, durées, rotation…), organisation des débats, expressions des courants…Nombre de militantEs, de syndicats, ne se reconnaissent pas dans ce syndicalisme. Militer à la CGT, c’est d’abord s’affronter au quotidien, ici au patron, là à la politique gouvernementale. Une lutte pour la défense intransigeante des droits, des conditions de vie et de travail de tous les salariéEs. Un syndicalisme où les désaccords se discutent démocratiquement dans le respect des idées de chacunE. Un syndicalisme à (re)construire.

Robert Pelletier