Publié le Vendredi 26 décembre 2014 à 22h53.

CGT : quelle sortie de crise ?

Ainsi, Thierry Lepaon fait de la résistance. Jusqu’à quand ?

Après avoir laissé passer les orages médiatiques, le secrétaire général de la CGT, appuyé par une partie du bureau confédéral et de la commission exécutive confédérale, a organisé une patiente contre-offensive. Le trésorier confédéral a servi de fusible à retardement autour des questions soulevées par les factures d’appartement et de rénovation de bureaux. La retraite « casquette » est défendue comme légitime pour compenser les retards de cotisation retraite, conséquences de plusieurs années de chômage, une pratique habituelle dans la CGT. Si de nombreuses structures, de nombreux militants s’indignent, protestent contre ces pratique, les rebondissements et la prolongation des attaques ont comme conséquence des réflexes d’autodéfense de la confédération.

Cette résistance, ces réflexes ne trouvent un écho, une assise, que parce que les questions soulevées traversent toute la CGT, comme l’ensemble du mouvement ouvrier, et ceci depuis même leurs premiers pas.

Dès la naissance d’organisations censées représenter le mouvement ouvrier, les directions ont pris prétexte des difficultés de la situation, de la période, pour justifier leurs renoncements. Cette adaptation politique est allée de pair avec un rapprochement des modes de fonctionnement, des modes de vie de celles et surtout d’ailleurs de ceux qui se sont portés dans les directions, avec ceux de leurs « adversaires ».

Mordre la main qui te nourrit ?

Une des difficultés tient au fait que cette institutionnalisation ne s’est pas limitée aux sommets des appareils mais s’est étendue à l’ensemble des organisations. Dès la mise en place des délégués du personnel en 1936, quelques voix (alimentées par un fond d’anarcho-syndicalisme encore présent à ce moment dans la CGT) se sont élevées pour mettre en doute l’indépendance de délégués dont l’activité militante serait rémunérée par les patrons.

La multiplication des commissions, des négociations collectives a donné de l’ampleur, une assise matérielle à des différenciations où les dérives politiques accompagnent les dérives de fonctionnement. Après 1945, le développement des comités d’entreprise et d’un secteur nationalisé ont accéléré l’institutionnalisation, la bureaucratisation jusqu’au niveau de l’entreprise.

L’élargissement des moyens matériels des appareils syndicaux est allé croissant avec le développement de la formation professionnelle, du secteur nationalisé, des diverses structures prolongeant les comités d’entreprises (conseil d’administration, comité centraux d’entreprise, comités de groupe, comités de groupe européens, voire mondiaux). Dans ces institutions, les modes de désignation vont de pair avec des fonctionnements technocratiques et des modes de vie (hôtels, repas, déplacements, soirées festives, etc.) qui éloignent rapidement des difficultés rencontrées au quotidien par les militants et les salariés.

Cette bureaucratisation faite d’intégration politique et de différenciation sociale imprègne largement l’ensemble des organisations syndicales, parfois au coeur même des entreprises notamment dans les grands groupes (Renault, EDF-GDF, grands groupes de la sidérurgie, de la chimie, etc.). Cela explique la frilosité de nombre de structures dans la remise en cause des fonctionnements confédéraux.

Le tout étant totalement lié aux stratégies syndicales faites de capitulation face au patronat et au gouvernement.

Reconstruire le mouvement ouvrier

Malgré tout, ce qui est notable dans les développements de l’actuelle crise de la CGT, c’est que les prises de positions de nombreuses structures lient les deux questions. Celle de l’orientation et celle de la démocratie syndicale. Mais dénoncer ne suffira pas. Il faut indiquer des pistes pour sortir de la crise de la CGT et du mouvement syndical.

Faire vivre la démocratie syndicale, construire une orientation « lutte de classe », non seulement indépendante du gouvernement, du patronat mais en opposition totale avec leurs politiques, signifie s’attaquer à la reconstruction d’un mouvement ouvrier sur ces bases.

Cela ne saurait se faire indépendamment d’une modification du rapport de forces entre les classes, d’un renouveau significatif des mobilisations. La prochaine échéance est la construction d’une mobilisation à la hauteur des enjeux portés par la loi Macron.

Robert Pelletier