Publié le Vendredi 16 janvier 2015 à 20h47.

Crise de la CGT : fin de l’acte I ?

C’est dans une ambiance lourdement plombée par la situation née des attentats du 7 janvier et ses suites que le Comité confédéral national a tenté ce mardi 13 janvier de mettre fin au premier acte de sa crise.

Celle-ci avait démarrée fin octobre avec la révélation par le Canard enchaîné de la lourde facture réglée pour l’aménagement de l’appartement de fonction de Thierry Lepaon.

Entêtement bureaucratiqueDe semaine en semaine, la succession des révélations a abouti à un discrédit complet du secrétaire général. Une défense mensongère et le décryptage de la Commission fédérale de contrôle ont fini de convaincre une majorité du Comité exécutif confédéral d’accepter la laborieuse démission du secrétaire général et du bureau confédéral.Pourtant, dès les premières révélations, de nombreux militantEs et structures ont marqué franchement leur indignation et leur condamnation des pratiques de Lepaon couvertes par une partie de l’appareil confédéral. Ces condamnations sont entrées en résonance avec les critiques des positionnements politiques et de la stratégie de mobilisation de la direction confédérale. Au fil des semaines, sa gestion de la crise a augmenté les tensions au sommet de l’appareil ainsi que son discrédit.A contrario, l’étonnante résistance de Lepaon trouve son origine dans la solidarité politique et d’appareil d’une grande partie des directions de fédérations et d’unions départementales qui ne se sont que rarement démarquées de la direction confédérale. Cette résistance a pris la forme des manœuvres successives de Lepaon pour échapper à sa démission. Convocation d’une réunion non statutaire des fédérations et unions départementales, mise à l’écart du responsable financier, mise à disposition de sa démission devant le CCN, mise en place d’une commission de candidatures, et pour finir d’un bureau fédéral « à sa main »...Il aura fallu que des critiques violentes, des prises de position venant de structures intermédiaires, parfois contre l’avis de leur représentantEs « officiels », de personnalités difficilement critiquables (Viannet) pour que les sommets de l’appareil en viennent à imposer des mesures un peu plus radicales.

Une crise qui vient de loinC’est de ces contradictions que vient la difficulté à sortir d’une crise dont les ressorts sont les mêmes que ceux qui avaient été mis en évidence au moment de la succession de Bernard Thibault. Avec tout d’abord une crise d’orientation politique. Face à la politique d’agression sociale, l’enlisement confédéral dans le dialogue social et la stratégie du syndicalisme rassemblé est en échec et contesté par une large frange de militantEs.Ensuite la crise de fonctionnement d’une confédération sans fil à plomb politique, en difficulté de renouvellement d’équipes dirigeantes depuis les syndicats de base jusqu’au sommet de l’appareil, en difficulté face aux restructurations de l’appareil productif à l’évolution du salariat.Dans ce contexte, les réactions des équipes dirigeantes, de l’appareil, sont depuis longtemps éclatées. Des évolutions « modernistes », faites de démocratie et d’acceptation du cadre du système, aux formes de repli « stalinien », faits de conservatismes organisationnels (comme le maintien dans la Fédération syndicale mondiale), et de discours radicaux, parfois plus de posture que de construction réelle de mobilisations. Avec de multiples variations entre les deux.

Une vraie fausse sortie de criseLa désignation éventuelle de  Philippe Martinez au poste de Secrétaire général provisoire ou définitif ne résoudra aucune de ces crises. Au final, elle ne résultera que d’un compromis entre les responsables des principales fédérations et unions départementales qui risque de n’être qu’un écran de fumée pour tenter de faire croire à une « réunification » de la CGT.Pourtant, nombre de prises de position de fédérations, unions départementales, syndicats, posent comme incontournable de lier les questions d’orientations à celles du fonctionnement. En ce qui concerne le fonctionnement, au delà de règles de vie compatibles avec les valeurs de la CGT, la préparation du 51e congrès confédéral doit être l’occasion d’une démocratie réelle dans les débats, dans les désignations des déléguéEs, dans l’élection des directions. Un chantier qui pourrait d’ailleurs être ouvert lors de la préparation des congrès fédéraux ou départementaux qui vont se dérouler dans les mois qui viennent.Mais surtout, la confiance des militantEs, la reconnaissance de l’utilité de la CGT par les salariéEs se reconstruira d’autant mieux, sur de meilleures bases, qu’elle sera lié à la construction des indispensables mobilisations contre les politiques patronales et gouvernementales. Le début de débat sur la loi Macron le 26 janvier est ainsi une échéance essentielle pour que, face à « l’union nationale », se construise l’unité de classe des travailleurEs.

Robert Pelletier