Après les parades bleu-blanc-rouge du 14 Juillet et du « retour des Bleus », Macron recevait le mardi 17 juillet cinq organisations de salariéEs (CGT, CFDT, FO, CCFE-CGC et CFTC) et trois organisations patronales (MEDEF, CPME, U2P).
Cette rencontre avait été préparée par celle de ces « partenaires sociaux » le 11 juillet dans le cadre feutré du Conseil économique, social et environnemental (CESE), à huis clos, sans compte-rendu sur le déroulement de la réunion, avec le seul « premier » représentant des organisations, sans conseillerE, et avec le « dialogue social » comme unique objet.
Lors de cette rencontre préparatoire, les objectifs des responsables des confédérations syndicales de salariéEs paraissaient inégaux. Pour Pascal Pavageau, le nouveau secrétaire général de Force ouvrière, « la bonne nouvelle, c’est qu’on s’est vu de notre propre chef ». Pour Laurent Berger, secrétaire fraîchement reconduit de la CFDT, petit objectif aussi : « Nous sommes là et nous existons », lui qui déclarait récemment que « les syndicats sont mortels ». L’un et l’autre souhaitaient peut-être marquer ainsi leur satisfaction d’être là, après des congrès confédéraux délicats, et surtout après plusieurs mois de lutte contre la liquidation du service public du transport ferroviaire, lors desquels leur stratégie a largement contribué à l’échec de la mobilisation. Pour le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, l’enjeu est clairement ciblé : « Quand les représentants des patronats et des syndicats se rencontrent, c’est un bon signe pour aborder les sujets qui concernent le dialogue social et les sujets interprofessionnels. »
Le gouvernement à la manœuvre
Ayant anticipé la victoire des « Bleus » en finale de la Coupe du monde de football, Macron espère sans doute profiter de l’ambiance « bleu-blanc-rouge » pour embarquer les organisations syndicales dans une nouvelle phase, approfondie, de dialogue social, dans une nouvelle version de l’union sacrée. À la sortie, Berger est satisfait, Martinez critique et Pavageau espère que la reprise du dialogue social évitera les radicalisations ! Et tous attendent avec impatience de nouveaux rendez-vous en septembre...
Face à la volonté affichée – et mise en œuvre – de mise à l’écart des « corps intermédiaires », les directions des trois principales organisations syndicales sont manifestement déstabilisées. Après des années d’échecs plus ou moins graves des mobilisations, leur légitimité et leurs moyens de fonctionnement issus du rapport de forces de l’après-guerre sont mis en cause. Les effectifs de syndiquéEs et de militantEs sont à la baisse ou, au mieux, à la stagnation. Leur légitimité, tant du point de vue du patronat que des gouvernements, en est affaiblie, et conforte la tentation de passer outre à ces interlocuteurs peu représentatifs.
Si le choix des directions de se plier aux règles du dialogue social est une évidence, les militantEs, certaines équipes syndicales, ne s’inscrivent pas systématiquement dans cette logique. Certes, le poids du chômage, les multiples facettes de la fracturation de la classe ouvrière, du salariat, les échecs des mobilisations, notamment contre les fermetures de sites et les licenciements, ne laissent pas toujours le choix. La perte de savoir-faire militant et de « repères », la répression affaiblissent les capacités de riposte, mettent en difficultés les équipes syndicales face à un PSE ici, un accord de compétitivité là, un accord d’intéressement ou des négociations sur les comités sociaux et économiques ailleurs.
La résistance doit s’organiser
Dans le même temps, dans des secteurs traditionnellement moins structurés, des mobilisations se développent, gagnent. À La Poste, dans les hôpitaux, de longues mobilisations, obtiennent des victoires importantes. Les cheminotEs ont pendant des mois, malgré une stratégie intersyndicale perdante, montré leur disponibilité pour faire reculer le pouvoir. À EDF la lutte continue en période estivale. Et les Ford résistent...
C’est bien là que se situent les responsabilités des directions confédérales. À l’opposé d’une unité dans le dialogue social, c’est un refus de tout ce qui est ou paraît accointance ou accord avec le patronat ou le gouvernement qu’elles devraient affirmer. Faire connaître, renforcer, coordonner les mobilisations est de la responsabilité des directions confédérales, fédérales, des unions départementales. Dans les mois qui viennent, les attaques contre la Sécu, les systèmes de retraites, les chômeurEs vont se multiplier. Les désaccords au niveau des directions sont parfois très importants, voire irréductibles. Dans ces conditions, ce sont les intéresséEs qui doivent prendre la parole, construire les revendications, prendre les décisions. L’auto-organisation n’est pas un supplément d’âme mais une des conditions pour construire l’unité dans les mobilisations, pour renverser la tendance, pour gagner.
Ces questions, présentes dans les derniers congrès confédéraux de la CFDT ou de FO, feront partie des débats qui s’ouvriront dès la rentrée jusqu’au 52e congrès de la CGT au printemps prochain.
Robert Pelletier