Publié le Mardi 23 juin 2009 à 17h21.

Droit du travail : d'une pierre deux coups...

La proposition de loi du député UMP Jean-Frédéric Poisson a été adoptée par l’Assemblée nationale, le 9 juin. Elle attaque gravement le droit du travail sur le prêt de main-d’œuvre et le temps partiel.

La proposition de loi adoptée discrètement par l'Assemblée nationale doit être examinée par le Sénat en septembre. En principe, le prêt de main-d’œuvre entre employeurs est une pratique interdite. Mais les exceptions se sont multipliées et elle a été autorisée pour les entreprises de travail temporaire (1972), les entreprises de travail à temps partagé (loi du 2 août 2005) et le portage salarial (loi du 25 juin 2008). Cette pratique consiste, pour une entreprise qui n’a plus de travail, à prêter temporairement des salariés à une autre entreprise, sans rompre le contrat de travail. Mais elle ne peut le faire dans un « but lucratif », c’est-à-dire en gagnant de l’argent par cette opération.

Aujourd’hui, la nouvelle loi réduit la notion du but lucratif à la notion de réalisation d’un bénéfice. Cet élargissement cherche à modifier la position de la Cour de cassation, qui avait une définition du but lucratif beaucoup plus large. Ce nouveau dispositif, censé éviter des licenciements, constitue une menace supplémentaire pour les salariés d’entreprises en difficulté. Malgré le principe du volontariat, pour prolonger un peu son contrat de travail, le salarié sera contraint d’accepter n’importe quel poste précaire hors de son entreprise, à n’importe quelles conditions, dans n’importe quelle région.

Les patrons, y compris ceux des grandes entreprises, vont maintenant pouvoir organiser une immense flexibilité, en transférant leur main-d’œuvre sur tout le territoire. La nouvelle loi légalise également la conclusion d’un avenant temporaire au contrat de travail à temps partiel faisant travailler le salarié à temps plein pour une petite période. Ainsi, un commerce, situé en zone touristique, pourra conclure un contrat à durée déterminée d’avril à octobre avec vingt heures de travail hebdomadaire, puis, 35 heures du 1er juillet au 31 août et, de nouveau, vingt heures hebdomadaires à partir de septembre.

Les patrons vont donc ajuster leur personnel à la demande, sans payer les heures avec les majorations des heures complémentaires. Auparavant, les tribunaux sanctionnaient systématiquement cette pratique par une requalification automatique du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein sur l’ensemble de la durée du contrat. Rassurez-vous, très chers chefs d’entreprise, le législateur veille sur vous. Inquiétez-vous, très chers législateurs, nous aussi on veille et l’on réagit…