Michel Sapin, ministre du Travail, est sorti du bois en dévoilant le 19 septembre le contenu d’une réorganisation de l’inspection du travail.
En érodant l’indépendance des agents de contrôle et en accélérant les suppressions de postes, elle s’intègre aux mesures anti-ouvrières du gouvernement. Sapin inscrit lui-même la réforme dans le cadre de la « sécurisation des parcours professionnels », c’est-à-dire la casse du code du travail dont l’ANI du 11 janvier 2013 retranscrit depuis dans la loi a été le vecteur. La réforme est elle-même 100 % compatible avec la règle d’or de baisse des dépenses publiques.
L’indépendance mise en cause
La convention 81 de l’organisation internationale du travail (OIT) rend les agents de contrôle indépendants des changements de gouvernement et des « influences extérieures indues ». Si cette indépendance sera toujours très relative dans un système capitaliste, l’organisation du travail en fixe le curseur.
Aujourd’hui, inspecteurs et contrôleurs du travail sont chargées du contrôle de l’ensemble du code du travail dans toutes les entreprise d’un territoire donné. Leur activité est fortement dirigée par la demande des salariés, sans qu’ils soient exposés aux pressions hiérarchiques, politiques ou patronales. Les agents de secrétariat sont rattachées à ces sections, ce qui leur permet de connaître les entreprises et orienter les usagers.
Avec la réforme, les agents de contrôle et de secrétariat seraient placés sous l’autorité d’un directeur au sein d’ « unités de contrôle » dont le contour ne sera pas nécessairement géographique, et dans lesquelles ils pourront être spécialisés. Ils devront se consacrer aux priorités définies par le directeur, qui aura pour mission première de les fliquer, mais qui aura en plus des pouvoirs de contrôle.
Le lien avec les salariéEs va donc se distendre, les agents de contrôle vont être interchangeables et les secrétaires seront coupés du suivi des dossiers. Il est aussi à craindre, si le rapport de forces n’est pas suffisant dans les services, que les dossiers finissent par être répartis ou retirés par le directeur, qui pourra même intervenir dans une entreprise contrôlée par un agent d’inspection !
De moins en moins de moyens de contrôle et d’accueil
Le contrôle pourrait même devenir une activité annexe. Le ministère est en effet chargé de proposer une méthodologie d’intervention dans les PME, y compris par des « démarches d’information et autres formes à déterminer qui complètent l’action de contrôle ». Et pour les grands groupes, Sapin prévoit la mise en place d’un groupe national de contrôle qui prendra ses ordres directement du ministère sans lien avec les salariés !
Enfin, la nouvelle structuration va faciliter la gestion des suppressions de postes, toute l’organisation interne des unités de contrôle pouvant être modifiée par simple décision hiérarchique. Avec le non-remplacement des départs à la retraite, la suppression du corps des contrôleurs du travail partiellement compensée par des transformations d’emplois en inspecteurs et les promotions d’inspecteurs en directeurs, il faut s’attendre à ce que les effectifs de contrôle diminuent rapidement.
Si le projet est combattu, en interne, par la CGT, SUD et la FSU et suscite un fort mécontentement parmi les agents, les enjeux les dépassent largement puisqu’il s’agit de préserver les entreprises de tout contrôle et d’éloigner les salariéEs de l’inspection du travail. Une bataille interprofessionnelle de plus à mener contre la politique de ce gouvernement.