Publié le Jeudi 22 mars 2012 à 17h25.

Le 24 mars, manifestons pour l’emploi !

Entretien avec Christian Mahieux, membre du secrétariat national de Solidaires.L’Union syndicale Solidaires appelle à une manifestation nationale pour l’emploi le samedi 24 mars, place de la Bourse.

Peux-tu nous dire le pourquoi d’une telle initiative ? La première raison, c’est la situation sociale : plus de 5 millions de chômeurs et chômeuses, plus de 8 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté… et les « plans sociaux » s’accumulent, les suppressions d’emplois publics se multiplient, le chômage partiel, le temps partiel imposé, les emplois précaires sont présentés comme les seules solutions. Pendant ce temps-là, les discours politiques se succèdent, laissant patrons et actionnaires poursuivre la destruction des emplois et de nos vies. La période électorale amène à une succession de « visites aux salariéEs ». En soi, ce n’est évidemment pas négatif ; mais est-ce positif pour les luttes sociales, dès lors qu’il s’agit bien d’aller « les voir », pas de s’atteler concrètement à leur renforcement, à leur coordination, à les faire gagner ? Or, c’est bien là l’essentiel ; en tous cas, pour nous, telle est la responsabilité du mouvement syndical, à qui il revient d’agir sur ce terrain y compris en période électorale ! Y aura-t-il des boîtes en lutte ? Si oui lesquelles ? À la suite d’autres initiatives prises en commun, l’intersyndicale de PSA Aulnay appelle à la manifestation ; cela montre que, même dans un contexte social difficile, même avec des rapports intersyndicaux parfois conflictuels, l’unité est possible, dès lors qu’on agit en fonction des préoccupations des travailleurEs et de la nécessité de construire un rapport de forces face au patronat. Les camarades de Virgin, confrontéEs à un plan de fermeture de plusieurs magasins et donc aux licenciements, appellent à la grève ce 24 mars. Bien d’autres entreprises où il y a des luttes (ça ne manque pas, même si quelques-unes seulement sont médiatisées !) seront représentées : du secteur automobile, de l’industrie plus globalement, du commerce, mais aussi de la chimie ou des transports urbains par exemple. Le secteur public aussi est concerné : tant par les suppressions d’emplois que par les luttes ! Les associations de chômeurEs seront également présentes le 24.Et comment cette initiative a-t-elle été reçue par les autres organisations syndicales ? L’intersyndicale nationale est utile quand le front unitaire propose et organise des actions à la hauteur des enjeux, du rapport de forces nécessaire, des attaques patronales ; ce n’est pas le cas ces derniers mois, mais l’unité demeure nécessaire. C’est pourquoi, dès notre appel public du 1er février nous disions : « la manifestation du 24 mars n’est la propriété de personne, nous la construisons avec tous les collectifs syndicaux et les salariéEs qui se reconnaissent dans l’exigence du droit à l’emploi, la lutte contre les licenciements et les suppressions d’emplois ». De même, nous en avons fait part lors de la réunion intersyndicale nationale, le 9 février. Malheureusement, sans surprise, il n’y a eu aucun écho à notre proposition. Sur l’aspect intersyndical, il faut pointer un autre problème : trop peu d’équipes syndicales CGT (voire FSU ou autres) se sont emparées de notre proposition de manifestation, ont publiquement pris position pour soutenir une telle initiative, ont indiqué leur volonté de la construire ensemble : même parmi celles largement influencées par des « militantEs révolutionnaires ». Cela rappelle les difficultés que nous avions eu en 2010, durant le mouvement pour les retraites, lorsque nous avions lancé un appel de syndicalistes pour construire ensemble la grève générale : beaucoup des mêmes n’avaient pas voulu, publiquement et dans les faits, aller au-delà des consignes confédérales. Il est nécessaire de retravailler ensemble, à l’amélioration de la convergence entre collectifs syndicaux combatifs. Et après ? Quelles sont les perspectives ?Après ? La lutte continue, l’action syndicale se poursuit quotidiennement. Et c’est aussi à travers cette pratique de tous les jours, que se construisent les luttes de demain ; aussi bien les luttes locales et/ou catégorielles que les mouvements interprofessionnels d’ampleur, car il y a un lien entre les deux… c’est cela le syndicalisme de transformation sociale qui, sur le fond ne fait que reprendre en l’actualisant la « double besogne » de la Charte d’Amiens ! Il faudra bien évidemment reprendre des initiatives à caractère national ; des choses se préparent autour de sujets essentiels comme « la dette », les traités européens, etc. À ce propos, une de nos priorités devrait être la construction d’une riposte syndicale européenne à la hauteur de ce que la situation impose. Là encore, il s’agit bien de prendre les moyens de « construire » ce que nous voulons, pas de se contenter de commenter les initiatives prises par des appareils bureaucratiques, certes forts critiquables mais qui, après tout, ne font que jouer leur rôle d’appareil.

Propos recueillis par Sandra Demarcq