Un jeune de 16 ans est mort assassiné par balle le 2 janvier devant son immeuble, victime collatérale d’une guerre des bandes entre quartiers. Depuis, il y a eu quelques règlements de comptes, des agressions au couteau qui touchent des très jeunes et, c’est arrivé récemment devant l’entrée d’un collège. Les habitantEs logiquement très choqués et particulièrement inquiets se trouvent démunis, sans soutien, quasiment résignés. De fait, il est très difficile de réagir, les collectifs sont bien fragilisés par des années de crise et de reculs sociaux.
Mais le 8 avril, juste après la dernière agression, après avoir appliqué leur droit de retrait, des enseignantEs du collège, en lien avec des animateurEs du centre social du quartier, ont organisé une manifestation depuis la cité des Aubiers (là où est mort le jeune), passant devant le collège, pour arriver à la préfecture. L’idée est évidemment d’exiger dans l’urgence la sécurité pour les jeunes, avec une surveillance devant l’établissement. Mais la revendication ne s’arrête pas à demander des policiers, le slogan « paix et éducation » de la banderole de tête exprimant que la réflexion devait aller plus loin.
Une population méprisée
Même si la participation fut modeste, 200 à 300 personnes, cette initiative est très importante, et elle peut être l’amorce d’une riposte. Elle permet de poser le problème crucial que la population ne doit pas se résigner, qu’au contraire elle a intérêt à s’organiser et se mobiliser. Certes, c’est compliqué car tout est à reconstruire, la confiance dans ses moyens d’agir et de défendre ses conditions de vie, les liens de solidarité, tout un tissu associatif et collectif. Alors oser prendre la parole et se faire entendre, oser exprimer sa colère, exiger une vie décente, ça ne vient pas spontanément.
D’autant qu’en face, les dominants se donnent les moyens de rabaisser et écraser les gens, tout est fait pour délégitimer les revendications. C’est le cas avec les discours sur les violences dans les quartiers populaires. Les élus, les médias, d’autres en parlent très régulièrement mais c’est quasiment toujours traité par le mépris de ceux d’en haut qui jugent de la « délinquance » des pauvres, comme si elle était génétique, comme s’il n’y avait pas de délinquance du côté des riches.
Les discours sécuritaires, qu’ils soient par pure démagogie ou préjugés, sont toujours les mêmes. Il faudrait plus de policiers, plus de vidéosurveillance dans les rues, plus de sanctions pénales, plus de répression. C’est sans originalité, sans aucune efficacité mais peu importe. Ces gens-là se moquent de trouver des solutions, ils sont de toute façon déconnectés de la population qui vit dans ces quartiers, une population qu’ils méprisent.
Priorités sociales
Ils ne voient pas ou ne veulent pas voir que la violence principale, c’est celle de la société, une violence sociale que la crise sanitaire a amplifiée, celle de la précarité, de la pauvreté, du mal-logement, du mal vivre. C’est celle d’une société profondément injuste, qui impose les règles du chacun pour soi, sa morale individualiste. Quand le chômage touche la moitié de la population, quand il n’y a plus de services publics ou de lieux de vie collective, quand il y a moins de solidarité et de dignité, ça devient très dur.
Alors la réponse ce n’est certainement pas plus de policiers, ce qui renforce toujours l’engrenage de la violence, mais bien plus de travail, plus d’entretien des logements, plus de structures de loisirs et de culture, plus de personnels dans les écoles, plus de moyens pour les centres d’animation, plus de considération pour les jeunes et les plus âgés dans les quartiers. En clair, la réponse doit être avant tout sociale, avec des moyens financiers et humains pour une vie digne.
Cette réponse sociale, qui doit être une priorité, ne peut venir que d’en-bas, imposée par les mobilisations populaires. Prendre ses affaires en main, c’est vraiment la seule façon de faire ravaler le « j’m’en-foutisme » et le mépris des gens au pouvoir. Les drames vécus récemment, cette première manifestation contre les violences, la volonté de réagir et le sentiment d’urgence qui existe parmi les habitantEs comme parmi les profEs ou animateurEs, dans les milieux associatifs et syndicaux, tout cela peut aider à redonner les moyens de lutter ensemble. C’est un espoir, une nécessité, une urgence.