La crèche privée People and Baby se moque du code du travail. Les salariées qui ont fait grève pour de meilleures conditions de travail et d’accueil des enfants font l’objet d’une procédure de licenciement. La crèche Giono, à deux pas de l’hôpital de la Pitié-Salpetrière, dans le 13e arrondissement de Paris, est une structure municipale dont la gestion a été confiée en 2006 à une entreprise privée, People and Baby. Cette entreprise gère à elle seule une soixantaine de crèches et emploie environ 800 salariés. Accompagnant une logique de réduction de leur personnel et de privatisations, ces « délégations de services publics » permettent aux municipalités de se débarrasser à moindre coût de leurs obligations tout en arrondissant au passage les profits d’une petite « start-up » aux méthodes de management expéditives. Sur le site de People and Baby, les édiles qui ont choisi l’externalisation de leur service public de la petite enfance ne s’embarrassent pas de détours dans l’argumentation de leur décision. Coût, rentabilité, souplesse dans la gestion du personnel : le discours est clair. Il faut faire des économies et déléguer au privé « plus efficace », tant pis si ce sont les salariées, les enfants et les parents qui payent la différence ! À Giono, l’équipe a décidé de réagir face à la dégradation des conditions de travail et d’accueil des enfants : six salariées (sur neuf) ont monté une section syndicale fin 2009. Outre le fait que le droit syndical n’a jamais été respecté (refus d’allouer un local et des panneaux d’affichage, ce qui est pourtant imposé par le code du travail), ces salariées ont essuyé de multiples tentatives de pressions et d’intimidation du patron : sanctions injustifiées, pressions pour faire accepter une rupture conventionnelle de contrat (le fameux licenciement « à l’amiable » mis en place par la loi du 25 juin 2008)… À la suite d’une journée de grève le 1er mars, pour de meilleures conditions de travail et une autre conception des pratiques professionnelles dans la petite enfance, les grévistes se sont vues dès le lendemain notifier leur mise à pied conservatoire ! Celle-ci n’a bien entendu rien à voir avec l’exercice du droit de grève, le motif invoqué étant une « insubordination permanente » et des « manquements aux règles d’hygiène et de sécurité »… prétextes fallacieux, puisque ces problèmes n’avaient pas été évoqués dans de récents entretiens d’évaluation, et qui sera balayé par la médecine du travail, puisque l’employeur est responsable de la sécurité aussi bien des salariées que des enfants ! Mais celui-ci ne se sent visiblement pas concerné par le droit du travail, et, le 29 mars, quatre salariées ont reçu un courrier notifiant leur licenciement. Un mouvement de soutien aux salariées de People and Baby se met en place, notamment autour d’un regroupement de parents et d’une intersyndicale. D’un point de vue juridique, une procédure en référé a été initiée pour rétablir les salariées dans leurs droits et l’inspection du travail a été saisie. Il faut bien sûr avant tout exiger la réintégration des salariées licenciées. Mais au-delà du respect de leurs droits, la question du développement d’un véritable service public de la petite enfance (qui passe en premier lieu par une remunicipalisation des crèches confiées au privé), financé par les entreprises, pose également celle des droits des femmes, aussi bien dans les quartiers que dans les entreprises et dans les universités : celui-ci est en effet la condition première, pour les mères d’enfants en bas âge, de l’accès au marché du travail ! Après la mobilisation historique du 11 mars, le collectif Pas de bébé à la consigne appelle à une nouvelle journée de grèves et de manifestations le 8 avril dans toute la France, pour le retrait du décret Morano, et pour que petite enfance ne rime pas avec business ! Romain Hingant
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