Il y a quelques jours, le journal The Guardian expliquait que la pénurie mondiale de puces électroniques avait atteint « un stade critique » : « des chaînes automobiles sont arrêtées, des lancements de produits grand public sont reportés »… La microélectronique est en réalité une industrie assez emblématique de l’état actuel du capitalisme.
Les investissements y sont colossaux et ont doublé en 20 ans pour atteindre aujourd’hui plus de 120 milliards de dollars dont la moitié dépensés par seulement deux leaders du marché : le taïwanais TSMC et le coréen Samsung. Leurs États, comme la Chine ou les USA soutiennent massivement leurs industries, l’Europe aussi mais dans une moindre mesure. C’est un secteur stratégique présent partout : applications grand public (ordinateurs, téléphonie…), automobile, communications, cartes sécurisées, automatisation industrielle, médical… et qui intéresse aussi l’armée. C’est également un secteur où la concentration s’exerce rapidement et où de mauvais choix de stratégies de recherche et développement ou de client peuvent se payer rapidement très cher.
Un secteur en croissance
Globalement l’industrie de la microélectronique est en croissance, même si elle est touchée régulièrement par des crises comme celle de 2009-2010. Si un petit flottement a eu lieu au tout début de la crise sanitaire, assez rapidement il est apparu que le contexte de la pandémie allait bénéficier à ce secteur clef dans les télécommunications : serveurs, connexions, ordinateurs, imagerie... la demande a explosé. À cela s’ajoute le démarrage de la 5G et le renouvellement du parc de téléphones qui va avec : on parle là de dizaines voire de centaines de millions de puces à fournir aux fabricants de téléphonie mobile. Face à cette demande énorme, d’autres secteurs comme l’automobile ou l’équipement industriel apparaissent comme bien plus anecdotiques. Dans un contexte d’impossibilité de fournir la demande, la priorité est donnée aux plus gros clients sans aucune prise en compte de l’usage qui sera fait des puces.
Incohérences et choix de société
Il y a dans ce secteur une démonstration de l’irrationalité du capitalisme : incapacité à anticiper réellement les investissements même selon les critères du système, concurrence violente entre les différents groupes, pas de stratégie globale et, sur le long terme, en recherche et développement, et évidemment aucune prise en compte des questions écologiques. C’est le règne du profit maximum et c’est bien la seule chose qui prévaut.
Évidemment il n’est pas question aujourd’hui de se passer de la microélectronique. D’abord parce que certaines applications sont réellement utiles, notamment la filière médicale, mais aussi parce que nous n’envisageons plus de vivre sans communiquer et que les possibilités que cela donne en termes d’information et de démocratie sont réelles. Cependant, nombre d’applications sont inutiles voire nuisibles ou carrément abjectes : de la brosse à dents connectée à la reconnaissance faciale, en passant par les capteurs infrarouges pour l’armée...
À cela s’ajoute le fait que cette industrie est écologiquement totalement insoutenable. Les quantités d’eau et d’énergie nécessaires sont gigantesques, les produits utilisés sont très dangereux, polluants, cancérigènes, les matières premières nécessaires, en particulier les métaux rares, sont extraits dans des conditions humaines et écologiques inqualifiables.
La pénurie de puces n’est donc pas en soi un problème : c’est réduire et réorienter cette filière qui est une nécessité urgente !