Il n’est pas nécessaire d’être un supporter de Mélenchon pour reconnaître que Macron et son gouvernement pourraient bien avoir marqué un point avec la mise en œuvre des ordonnances déglinguant une bonne partie du Code du travail. La préparation de la journée du 16 novembre ne donne pas toutes les garanties sur la possibilité d’une montée en puissance de la mobilisation.
La date retenue pour la prochaine journée de mobilisation est le 16 novembre, avant-veille du début du débat au Parlement pour que les ordonnances aient force de loi. Le gouvernement, sûr de sa majorité parlementaire, considère comme actées les ordonnances et souhaite passer à la prochaine contre-réforme.
Attaques tous azimuts
Assurance chômage et formation professionnelle sont les principaux dossiers en vue. Mais les attaques du gouvernement du président-banquier ne s’arrêtent pas là. Après la suppression des emplois aidés, la baisse des APL, la suppression de l’ISF, les chômeurEs sont dans le collimateur, avec des projets de même teneur sur les retraites, la sécurité sociale, la fonction publique, notamment l’hôpital et les universités. Sans oublier la pérennisation de l’état d’urgence avec la loi « antiterroriste ».
Au vu d’une telle liste, il reste à comprendre pourquoi les mobilisations ne sont pas à la hauteur, et débattre des moyens permettant de construire un rempart face à cette politique.
Selon les sondages Macron-président ne fait pas plus recette que ses prédécesseurs. Une majorité de la population considère que sa politique sert d’abord les riches, les nantis. Cette même majorité pense que les mesures prises ne feront en rien reculer le chômage, l’argument massue des gouvernements depuis des décennies.
Attentisme
L’attentisme repose d’abord sur le bilan des mobilisations des dernières années. Les demi-succès de 1995 ou du CPE sont maintenant bien loin. Ce qui est dans les têtes, se sont les mobilisations sur la sécu, les retraites, la loi travail version Hollande… qui n’ont pas fait reculer les gouvernements. De même, les grandes luttes contre les fermetures de sites (Continental, PSA, Goodyear) se sont soldées par des échecs. Sans oublier les fermetures de dizaines d’entreprises dans les régions : pas une grande ou moyenne ville, pas un département qui ne soit touché par la fermeture de ce qui était souvent la plus importante, voire la seule entreprise du coin. Des centaines de suppressions de postes qui sont multipliées par trois ou quatre avec les emplois « indirects ». Un accroissement de la misère, de la détresse sociale qui détruit un tissu social mais aussi militant, en produisant plus de résignation et de prise de distance militante syndicale ou politique que de colère.
La stratégie des directions syndicales est aussi en cause. Si l’on peut considérer que presque toutes ont renoncé à être actrices d’un renversement du système, les nuances tactiques sont importantes. D’une part, celles (CFTC, UNSA, FO, CGC, CFDT, FSU) qui ne doivent leur place dans l’édifice des rapports sociaux qu’à leur collaboration pleine et entière avec le patronat et/ou le gouvernement. De l’autre, la CGT, Solidaires qui pour l’essentiel construisent leur légitimité sur leur capacité à mobiliser contre les projets patronaux et gouvernementaux. Et, dans un « camp » comme dans l’autre, des contradictions, des batailles internes, peuvent faire bouger des lignes.
Résistances
Malgré ce climat d’attentisme, il existe un « bruit de fond » de mobilisations, pour l’essentiel dans des secteurs à la marge du mouvement ouvrier traditionnel. Les luttes des salariéEs de la restauration, du nettoyage, de l’hôtellerie, les sans-papiers, les intérimaires, les travailleurEs ubérisés… montrent un potentiel de mobilisation avec des succès à la clef. Tout comme les résistances aux plans de licenciement chez GM&S ou General Electric.
Ces luttes, partant de revendications concrètes, largement partagées, montrent les potentiels de mobilisation. Les injonctions à l’unité ne peuvent être utiles que si elles s’appuient sur des revendications unifiantes, partagées au-delà des équipes militantes, comme l’ont montré les succès partiels obtenus par les dockers et les routiers. Une dimension sur laquelle les mobilisations en préparation chez les raffineurs, dans le bâtiment, dans la fonction publique et celles, plus larges, à construire contre le budget, sur l’assurance chômage… ne pourront faire l’impasse.
Robert Pelletier