Un mois après les attentats contre Charlie hebdo et l’Hyper Cacher, la récupération politique de la légitime émotion populaire semble marquer le pas, et le regain de popularité des dirigeants de l’exécutif n’avoir été qu’une embellie très passagère.
Enregistrant respectivement 8 et 7 % de baisse dans les sondages, Hollande et Valls reviennent peu ou prou à leurs cotes de popularité qui étaient celles d’avant le 11 janvier. Salué par des rafales de Kalachnikov quelques heures avant son arrivé à Marseille, le Premier ministre en visite promotionnelle de sa politique sécuritaire n’a pas entendu changer son discours lénifiant, allant jusqu’à affirmer que « c’est la première fois que la gauche était capable de prouver son efficacité dans le domaine de la sécurité publique »... Couronne sur le gâteau, l’élection législative partielle du Doubs n’a fait que confirmer la montée électorale d’un FN nullement perturbé par un illusoire front républicain.
Les laudateurs du régime continuent à parler de « l’esprit du 11 janvier », certes Charlie hebdo compte aujourd’hui dix fois plus d’abonnéEs qu’il y a un mois, mais le glissement vers un état toujours plus autoritaire, la montée du discours raciste, principalement islamophobe, et les bavures l’accompagnant, ont considérablement progressé. Ce sont aujourd’hui nos libertés démocratiques les plus élémentaires qui sont menacées par l’état d’exception qui continue à se mettre en place.
L’offensive idéologique et répressive est telle qu’elle s’attaque uniformément à toutes celles et tous ceux qui refusent d’assumer le discours dominant de la formule politiquement correcte du « je suis Charlie » : enseignantEs refusant de faire « respecter » la minute du silence, salariéEs tenant des propos jugés ambigus... Jusqu’à des enfants sanctionnés et interrogés par la police !
Dangereux terroriste... de 8 ans et syndicaliste récalcitrant
Parmi d’autres, le cas du petit Ahmed, 8 ans, est édifiant. Invité par son instituteur à inscrire « je suis Charlie » sur son cahier, il refuse, et se voit emmené au commissariat pour audition, accusé d’« apologie du terrorisme ». Son père est lui aussi poursuivi pour être entré, inquiet, dans l’établissement scolaire en dehors des heures prévues. Rien que ça ! Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, couvre les comportements honteux de l’équipe pédagogique concernée. Une affaire à suivre attentivement.
À Crespin (62), chez Bombardier, constructeur ferroviaire, c’est le secrétaire du Comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), syndiqué Solidaires, qui fait l’objet d’une procédure de licenciement pour « apologie du terrorisme ». Il aurait tenu des « propos inadmissibles » sur les attentats, ce qu’il nie. Le comité d’entreprise, consulté en cas de licenciement d’un élu, a rejeté celui-ci par 5 voix contre 3... dont celles de 2 élus de la CGT. Une mobilisation des salariéEs se tenait devant les portes de l’usine pendant cette séance du CE. La direction voudrait bien se débarrasser de Karim qui, au nom du CHSCT, avait en janvier porté plainte contre la direction pour « négligence et mise en danger de la vie des peintres »...
La mythique union nationale dont on nous rebat les oreilles depuis un mois n’est qu’un leurre et un danger mortel pour notre camp social. Nous sommes toutes et tous concernéEs pour faire barrage à l’artillerie idéologique lourde que le pouvoir tente d’opposer à toute contestation de l’ordre établi... pour le plus grand profit du FN.
Alain Pojolat