Publié le Vendredi 6 mai 2016 à 09h49.

Résister à la stratégie de violence du pouvoir

En boucle, la quasi-totalité des journaux nationaux et locaux, la presse écrite, les chaînes de télévision, les radios, le web répètent les mots d’une classe politique aux abois, fustigeant en particulier les Nuits debout...

La première chose que le pouvoir n’a pas supporté, c’est l’irruption joyeuse sur les places et leur occupation qui s’étend de ville en ville. Cambadélis donne le ton : « l’occupation et la privatisation totale d’une place ce n’est pas possible ». Vraiment ? La privatisation des places pour la vente de marchandises par exemple est pourtant bien acceptée, voire encouragée, et malheureusement l’occupation partielle des places par les personnes sans domicile fixe n’est pas un scandale pour un gouvernement qui préfère cela plutôt que d’appliquer le droit au logement pour tous !

Ici, ce qui inquiète vraiment le patron du PS, c’est qu’il s’agit d’une occupation insolente, une occupation fière d’elle-même, ouverte, refusant la loi travail et son monde et se moquant de l’état d’urgence. Pour la première fois, il est confronté dans la rue et sur les places à une opposition sur sa gauche, qui se traduit par une mine d’actions multiples, imprévisibles, souvent originales, qui partent des places, comme l’apéro chez Valls, l’occupation temporaire des agences de la Société Générale ou un pique-nique dans un magasin Carrefour... Alors tout est bon pour tenter de casser ce mouvement.

En écho de la presse aux ordres, un Romain Goupil plus arrogant que jamais n’hésite pas à affirmer que la place de la République est tenue par des « gourous »... Ignorance d’un mouvement qu’il ne comprend pas ? Complaisance avec le pouvoir ?

De l’usage de la violence d’État

La seconde chose qui terrifie ce gouvernement serait que la convergence des luttes devienne une réalité. Déjà syndicalistes, militantEs des luttes des sans droits, intermittentEs et précaires en action, parfois migrantEs, Roms ou habitantEs des quartiers populaires, participantEs des Nuits debout se rencontrent, se parlent et agissent de concert. Des syndicalistes prennent la parole lors des AG sur les places, les Nuits debout interviennent à la fin des cortèges du 1er Mai. Beaucoup rêvent de bloquer ensemble leur satanée économie.

Valls prophétise : « il n’y aura pas de convergence des luttes, quand ça se radicalise et que ça rétrécit, les problèmes de violences sont réels ». « Et si ça tourne à la violence on ne peut le tolérer », complète Cambadélis. Du coup, ils font tout pour que « ça se rétrécisse »... Le déferlement, la proximité permanente – avec et dans les cortèges, sur les places – de policiers de tous les services et de gendarmes, est la mise en œuvre d’une stratégie de la tension, la provocation consciente pour diviser le mouvement et pour dissuader par la peur de continuer.

D’autant plus que ce gouvernement fidèle aux intérêts du patronat peut toujours compter sur les surenchères de la droite : Ciotti ou Fillon expliquent qu’« il faut interdire les manifestations », et Péchenard, ancien patron de la police nationale aujourd’hui élu LR, affirme que « le gouvernement doit donner des ordres à la police pour qu’elle soit réactive et procède à des interpellations, ce qui visiblement n’a pas été fait ». Une occasion trop belle pour le FN qui en profite pour « exiger la dissolution des groupes d’extrême gauche ».

« Apportons leur la catastrophe » (Frédéric Lordon)

Mais le mouvement est bien vivant. Malgré les 961 arrestations revendiquées par Cazeneuve au soir du 28 avril, malgré l’escalade des violences policières – déluge de gaz lacrymogènes, arrestations musclées, scènes insupportables où l’on voit plusieurs policiers frapper des manifestants menottés et à terre –, malgré aussi les blesséEs dont certains gravement... Un jeune manifestant de Rennes a perdu un œil, victime d’un tir de LBD 40 (lanceur de balles), « une arme plus puissante et plus précise que le flash-ball, l’ultime recours avant des armes plus importantes », précise le responsable d’un syndicat de policiers.

Leurs menaces et leurs violences sont à la mesure de leur peur. Mais pour le moment, elles ne font que creuser toujours plus, de manière irréversible, le gouffre qui sépare ce gouvernement dit socialiste à la botte des plus riches et les aspirations, les besoins et les rêves de toute une génération. Celle-ci fait l’expérience concrète des méthodes de leur pouvoir et prend conscience de sa propre détermination et confiance en elle. C’est à un nouveau souffle politique, aux balbutiements d’un mouvement politique anticapitaliste que nous participons avec passion !

Roseline Vachetta