Publié le Lundi 15 janvier 2018 à 21h25.

Syndicalistes de Ford : relaxe !

Mauvaise habitude : nous voici encore devant un tribunal devant lequel comparaissent des militants syndicaux.

Devant le Palais de justice de Paris se sont retrouvés plusieurs dizaines de soutiens : des militants de la CGT Ford, Jean Pierre Mercier (délégué syndical central de la CGT PSA), Loïc de la compagnie Jolie Môme, Mickaël Wamen ex-CGT Goodyear, la CGT HPE, Sud PTT 92, et Technocentre Renault, CGT inspection du travail, Gérard Filoche, Fédération CGT métallurgie, USTM CGT Flandres-Douaisis et forte délégation du NPA dont Olivier Besancenot.

Cette fois, il s’agit de Philippe Poutou et de Vincent et Laurent, deux camarades de la CGT de Ford Blanquefort en appel suite aux condamnations de juin dernier pour dégradation de véhicules et du stand Ford lors du Mondial de l’automobile de 2012.

Mascarade

Convoqués à 9 heures, les trois camarades ne se présenteront devant le tribunal que vers 10h30 car leur avocate a découvert en arrivant à 9 heures de nouvelles pièces et les conclusions liées de la partie civile (Ford). La plainte de Ford de 2012 qui avait été perdue (sic) est, par miracle réapparue, permettant de mettre en cause la demande de prescription défendue par l’avocate des syndicalistes.

Finalement le Président joint la demande de prescription au fond et se lance dans un résumé des faits et reproches. Il s’étonne lui-même de l’extrême lenteur de la procédure du côté de la police qui, malgré deux prétendues relances de Ford, n’interrogera nos camarades qu’en 2015. Lancement de confetti, autocollants sur les véhicules et surtout détérioration de l’un d’eua par les trois prévenus, hissés sur le capot. Le renouvellement de la plainte à lieu en 2013 en prévision du salon 2014. Le chiffrage des réparations n’a été présenté qu’en 2015 et cinq personnes identifiées grâce aux photos du site de la CGT Ford.

 

Le représentant de Ford présente les faits comme une destruction du stand, dégradations de véhicules et donc des frais qui alourdissent le budget « Com » de l’entreprise et surtout une grave atteinte à l’image du fabricant d’automobile. Mais face au vide de son propre dossier, il demande une condamnation à l’euro symbolique pour atteinte à l’image de Ford. Et tant pis pour les 6800 euros de prétendues réparations du véhicule présentées sur un devis, en anglais, 6 mois après les faits.

Acharnement

Le Parquet, comme c’est maintenant la coutume, fait un réquisitoire plus sévère. Oui, il y a eu dégradations délictuelles et le mobile, même louable n’est pas une excuse. Le PV de l’huissier permet d’identifier les « coupables » et d’apprécier les dégâts. Mais la Procureure est quand même gênée car le devis de 6800 euros est en fait alourdi par des frais de transport. Elle déclare donc qu’il s’agit de dégradations légères et la transformation du délit en simple contravention, maintenant l’amende de 200 euros, parce que tout cela est grave quand même.

Patrons coupables

L’avocate des camarades est évidemment la seule à revenir sur le contexte : la volonté de Ford de fermer l’usine de Blanquefort. Sa volonté de liquider un site de 2000 salariéEs assurant des centaines d’autres emplois dans les entreprises de la région. Au-delà des salariéEs de l’entreprise et des entreprises alentour, tous les acteurs/trices politiques se sont mobiliséEs depuis la ville jusqu’à l’État. En 2013 l’État, dans le cadre d’un accord avec Ford accorde une subvention de 46 millions avec engagement à maintenir 1000 emplois jusqu ’en 2018. Engagement non tenu qui a conduit à la condamnation de Ford par le TGI de Bordeaux.

C’est cette politique de patron voyou que les salariéEs de Ford ont voulu dénoncer en 2012 comme en 2008, 2010 puis encore en 2014. Sans que Ford ne proteste. Des confetti, des autocollants (« Sauvons les emplois ») non dégradants, des précautions au moment de monter sur le véhicule : la volonté de faire savoir qu’ils/elles se battent pour la sauvegarde d’emplois menacés par une volonté délibérée du groupe de liquider le site.

Pour l’avocate, il n’y a pas de dégradations et surtout pas d’intention, de volonté de dégrader. Le capot en matériau composite ne nécessite pas de réparation en cas de déformation.

Le dossier est vide. Si le Parquet estime qu’il n'y a matière qu’à contravention, une comparution devant le tribunal de police aurait suffi.

Dossier vide, prescription des faits : la demande de relaxe est évidente.

Le ridicule de ce procès ne doit pas nous faire oublier que l’objectif visé est de décourager les militantEs, d’intimider les salariéEs. La longueur des procédures, les frais engagés, la dramaturgie des procès laissent toujours des traces chez les unEs et les autres.

Le jugement sera rendu le 29 janvier. La lutte des Ford, notre soutien, continueront d’ici là et après. Pour le maintien de l’emploi, contre la criminalisation du mouvement social.

Robert Pelletier