Lundi 9 décembre, les ministres du travail des membres de l’Union européenne ont abouti à un accord sur les salariés « détachés », accord qui ne changera pas grand-chose à une situation fondamentalement favorable aux patrons.
Il y aurait 1,2 million de travailleurs détachés dans l’Union européenne. En France, selon les derniers chiffres du ministère du Travail, le nombre de travailleurs détachés devrait augmenter de 23 % cette année pour frôler les 210 000. Et ceci sans compter les travailleurs non-déclarés, entre 100 et 200 000. Le principal secteur concerné est la construction (33 % des travailleurs détachés) mais il n’est pas le seul.Le statut des détachés est défini par une directive européenne de 1996. « Un travailleur est considéré comme "détaché" s’il travaille dans un État membre de l’UE parce que son employeur l’envoie provisoirement poursuivre ses fonctions dans cet État membre. Par exemple, un prestataire de services peut remporter un contrat dans un autre pays et décider d’envoyer ses employés exécuter ce contrat sur place. (…). » Le principe est le suivant : vous êtes par exemple patron du bâtiment, et vous avez besoin de dix coffreurs. Au lieu de les embaucher selon les conditions de la convention collective, vous passez un marché avec une entreprise étrangère qui enverra les dix coffreurs demandés sur votre chantier. Aux termes de la directive, le salaire et les conditions de travail de l’employé détaché relèvent des règles du pays dans lequel il travaille : un travailleur détaché en France doit donc normalement toucher au moins le Smic… Mais les cotisations sociales appliquées sont celles du pays d’origine.
« Plombier polonais », travailleur français, même combat !Le fait que les cotisations sociales soient celles du pays d’origine permet aux patrons de profiter de la disparité des systèmes sociaux en Europe en faisant venir des travailleurs des pays où existe une protection sociale au rabais. À cette utilisation de la réglementation s’ajoute l’insuffisance des contrôles et une multitude de combines au détriment des travailleurs qui aboutissent au non-paiement effectif des cotisations sociales, à la retenue de frais plus ou moins fictifs sur leur salaire, etc. Malgré les déclarations hypocrites du Medef, en dernière analyse, ce sont les patrons qui profitent de ce système et, parmi eux, ceux des plus grandes entreprises qui, comme dans le bâtiment, sous-traitent en cascade et, en cas de problème, se défaussent sur la petite entreprise sous-traitante. L’accord conclu lundi à Bruxelles élargit les possibilités de contrôle et augmente la responsabilité des donneurs d’ordre en cas de fraude. N’en déplaise à Michel Sapin, le nouveau texte ne fera qu’aménager à la marge une situation qui arrange le patronat. Face à lui, le « plombier polonais » et le travailleur français ont le même intérêt. Comme le dit un député suédois à propos de son pays : « Il faudrait revenir au principe selon lequel quiconque est employé en Suède doit bénéficier des mêmes règles qu’un travailleur de nationalité suédoise ». Autrement dit, il s’agit de demander la mise en œuvre de cette vieille revendication du mouvement ouvrier : « À travail égal, salaire égal ». Et le salaire inclut, bien entendu, non seulement le salaire direct, mais les cotisations sociales !
Henri Wilno