L’allocation d’adulte handicapé (AAH), créée en 1971, est une prestation sociale versée par les Caisses d’allocations familiales (CAF) à plus de 1,2 million de personnes. Son montant dépend de plusieurs critères : le degré de handicap du bénéficiaire, son âge, sa résidence et sa situation familiale. L’allocation maximum de 903,60 euros mensuels en 2021 est inférieure au seuil de pauvreté mais peut néanmoins être diminuée en raison d’un dispositif au nom barbare de « conjugalisation ».
La « conjugalisation » consiste à prendre en compte les revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH des personnes vivant en couple. Les associations de défense des droits des personnes en situation de handicap demandent donc depuis une quinzaine d’années la déconjugalisation de cette prestation sociale, mais en vain.
Une enjeu pour l’autonomie de toutes les personnes handicapées...
Les personnes handicapées sont doublement dépendantes. Elles doivent souvent être assistées dans les actes de la vie quotidienne par leurs conjointEs et sont souvent aussi victimes de la subordination à leur conjoint en raison du manque d’autonomie financière. Les organismes de sécurité sociale, notamment les CAF, multiplient les moyens de contrôler les assuréEs sociaux sous prétexte de lutter contre les fraudes. Le très faible montant de l’AAH oblige ces personnes à vivre auprès d’unE conjointE avec parfois de graves conséquences car le constat a été établi d’une aggravation des situations de violences conjugales dans ces circonstances.
… et plus particulièrement pour les femmes
C’est au nom de la solidarité familiale que sont attribuées l’AAH et d’autres aides sociales. Cette logique implique une dépendance des femmes vis-à-vis de leur conjoint. Quand 5,8 % des femmes sont victimes de violences au sein de leur couple, ce sont 9 % des femmes handicapées qui en sont victimes. L’autonomie, par rapport à la famille, des jeunes, des femmes, des personnes malades ou handicapées doit être défendue, pour toutes et tous. Avec le slogan « Mon AAH, mon autonomie », Act’up Paris rappelle que « les personnes en situation de handicap et/ou atteintes de maladies invalidantes chroniques font partie de la société ». La conjugalisation des prestations favorise la dépendance, accentue les rapports de domination.
Un enjeu pour l’ensemble de la protection sociale
Le gouvernement a évité, lors du débat de l’Assemblée nationale, que l’individualisation de l’AAH soit votée, malgré l’opposition de la gauche, de la droite et d’une partie de LREM, en procédant au vote bloqué qui ne permet pas de soumettre au vote les amendement autres que ceux choisis par le gouvernement. Sophie Cluzel, la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, a déclaré que l’individualisation de l’AAH « remettrait en cause les fondements mêmes de notre système dans lequel la solidarité nationale doit s’articuler avec les solidarités familiales ». Ce discours est révélateur de la conception de la sécurité sociale par les libéraux de tous bords jusqu’à l’extrême droite. Un des moyens de saboter la sécurité sociale et la protection sociale est de faire dépendre du niveau des revenus familiaux le montant des indemnités journalières en cas de maladie ou d’accident, des allocations familiales, des prestations chômage, des remboursements de la Sécurité sociale, les pensions, autrement dit de soumettre ces acquis à un plafond de ressources afin qu’ils deviennent des aides sociales complétées par des institutions complémentaires privées accessibles si on en a les moyens. Un principe fondamental et solidaire de la sécu « chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins » est toujours davantage bafoué.
Poursuivre et élargir la mobilisation !
À l’initiative d’associations de personnes handicapées, une pétition a recueilli plus de 100 000 signatures, et des manifestations de rue ont favorisé l’élaboration du projet de loi sabordé par le gouvernement. Nous sommes touTEs concernés, c’est touTEs ensemble que l’on pourra imposer les mesures sociales, économiques et d’émancipation en faveur des personnes handicapées et de l’immense majorité de la population.