Publié le Lundi 7 décembre 2020 à 12h07.

Aux hypocrites qui s’indignent des vitrines brisées, des poubelles brûlées et des banques taguées (par Philippe Poutou)

Salut à toutes et tous

Et c’est reparti, quand Noël arrive, les discours se multiplient contre les manifestations qui « gâchent » la fête. Les gens de pouvoir, des politiciens de droite surtout mais aussi parfois de gauche, des éditorialistes s’en prennent aux contestataires traités d’irresponsables. 

Des appels à la trêve sont lancés aux manifestants, à ces gauchistes, ces éternels râleurs qui mettent le bazar dans les rues, au mauvais moment (ce n’est jamais le bon moment) et en plus ils cassent.

Et les médias s’indignent, s’alarme de la mauvaise ambiance sociale et pour le commerce qui vit une période si difficile.

Rendez-vous compte, après des dizaines de samedi secoués par le mouvement des Gilets Jaunes, après deux confinements, après des mois de crise sanitaire frappés d’une activité quasi à l’arrêt, voilà la mobilisation de ces dernières semaines qui chagrine le beau monde. 

Vue depuis les salons des privilégiés, la contestation est toujours mal venue, incomprise, illégitime, malveillante. Et en plus quand il y a de la « casse », des affrontements, cette violence considérée comme injustifiable et scandaleuse, alors les tenants de l’ordre s’excitent et lâchent leur mépris, leur haine sociale.

Hypocritement ils parlent au nom du petit commerce qui souffre, ils rendent responsables de la crise celles et ceux qui la contestent. Tout s’inverse. Si ça va mal, ça devient la faute des manifestants. Pour mieux exercer la pression, pour intimider et faire taire, ils pleurent, ils s’indigner sur les vitrines brisées, les poubelles brûlées, les banques taguées. Ils accusent, ils condamnent, sans honte, sans scrupule.

Ils « défendent » les commerçants (des grands ou des petits ?), ils font comme s’ils étaient de leur côté. Mais le pouvoir est plus contre les manifestants qu’il n’est pour les commerçants qui souffrent. 

Ils savent bien que le véritable adversaire des petits commerçants ce sont les banques auprès de qui ils sont endettés, ce sont les grandes surfaces, les capitalistes du commerce qui les concurrencent déloyalement, qui les écrasent, qui les laissent sans défense. 

Ils savent aussi bien que c’est leur politique que subissent les petits commerçants, que ce sont les gouvernements et les pouvoirs locaux qui n’ont jamais empêché l’installation partout des grandes surfaces ni la rapacité des banques.

Quelle hypocrisie, quel cynisme. Les commerces, ou plus précisément les salarié-es du secteur, les petits commerçants payent cher la course au profit des grosses enseignent et des affairistes. Combien de magasins fermés, de licenciements par Auchan, Carrefour, New-Look, etc... Pourquoi n’entendons pas les éditorialistes ou les politiciens s’indigner contre les « casseurs » d’emplois que sont les patrons et les banquiers.

Ce ne sont pas les manif, ni même la « casse » dans les manif qui provoquent les difficultés des commerçants. Comme ce ne sont pas les grèves dans les usines qui provoquent les problèmes de compétitivité. C’est la course au profit, c’est la rapacité des patrons qui bousille tout. 

Et puis les commerces en général subissent en conséquence les pertes de pouvoir d’achat pour les millions de personnes appauvries, pour les chômeurs, les précaires, les licenciés qui provoquent la baisse de la consommation et les difficultés grandissantes des commerçants. Combien de magasins, de petits commerçants ont dû fermer à cause du manque de clientèle, à cause de la crise ? Ne pourrait-on pas avoir de chiffres décrivant cette réalités sociales plutôt que de compter seulement les vitrines brisées ?

Au bout, on en revient toujours à ce système économique destructeur, d’une violence inouïe contre la population, contre les droits sociaux et humains. La seule vraie trêve qui serait utile c’est celle de l’exploitation et du pillage des capitalistes. Pour Noël et pour après.