Il y a l’affaire Cahuzac pour laquelle celui-ci va peut-être finir par être jugé (celle des comptes à l’étranger). Et il y a une deuxième affaire Cahuzac, celle d’un conseiller ministériel qui a fait commerce de ses relations officielles et qui a eu des amitiés d’extrême droite.
Jérôme Cahuzac est au départ chirurgien dans le système hospitalier public. Adhérent du PS, il est recruté en 1988 pour être conseiller au cabinet de Claude Evin, ministre des Affaires sociales (ce qui englobe la santé) de 1988 à1991. Il est notamment en charge des médicaments et des équipements lourds (scanners, IRM). Il commence à se constituer un réseau de relations avec ceux pour qui la santé est une source de profits mais, selon Mediapart, il va peut-être plus loin...
Pots-de-vin et conseils
A l’époque, une carte sanitaire limite l’installation de ces machines, scanners et IRM. Les hôpitaux, les cliniques et les cabinets de radiologie qui souhaitent se doter de ces équipements (qui permettent une augmentation considérable du chiffre d’affaires) doivent obtenir l’autorisation du ministre de la Santé. Il semble bien qu’existait (sous Claude Evin et ses prédécesseurs) un système de pots-de-vin dont bénéficiaient des membres du cabinet du ministre. Et il n’est pas exclu que Jérôme Cahuzac se soit trouvé sur les tuyaux de passage de ces sommes.
Quoi qu’il en soit, après son passage au ministère, Cahuzac fonde en 1993 « Cahuzac Conseil », spécialisé dans le conseil aux laboratoires pharmaceutiques. Le cabinet fait d’excellentes affaires : Cahuzac est en effet bien placé pour mettre en relation les labos et ceux qui doivent décider de la mise des médicaments sur le marché... Cela comporte trois volets, tous vitaux pour les profits de l’industrie pharmaceutique : l’autorisation de mise sur le marché, la fixation du prix, et celle du taux de remboursement par la Sécurité sociale. Cahuzac décide aussi d’abandonner l’hôpital public et, avec sa femme, fonde une clinique privée spécialisée dans les implants capillaires. Par ailleurs, en 1997, il est élu député PS du Lot-et-Garonne et se spécialise dans les questions fiscales, point de départ de la carrière qui l’amènera à devenir le ministre du Budget de Hollande.
Des combines pour frauder
Au départ de l’enrichissement de Jérôme Cahuzac, il y a donc (outre la réparation de chevelures fortunées) les avantages que, dans la République telle qu’elle est, on peut retirer lorsque l’on est à l’intersection de l’État et des intérêts privés. Sur ses revenus importants, dont certains sont donc peut-être inavouables, Cahuzac n’a pas envie de payer des impôts : pour cela, il utilise diverses combines (comme de faire transiter des sommes importantes par le compte en banque de sa mère) et surtout ouvre des comptes à l’étranger (en Suisse et à Singapour). Il est à noter que son premier compte en Suisse est ouvert en 1992 par un membre d’une bande d’amis d’extrême droite (ex-GUD) qu’il fréquente assidûment à l’époque : il s’agit de Frédéric Péninque, par ailleurs conseiller des Le Pen, père et fille...
Lorsque les choses commencent à filtrer, le ministre commence par nier avec assurance détenir des comptes à l’étranger, allant jusqu’à mentir devant les députés. Il reçoit alors le soutien de l’Élysée, du Premier ministre et des ministres du gouvernement, et les réactions de l’opposition sont modérées. Devant l’accumulation des évidences, il finit par démissionner en mars 2013 tandis que la justice se met en branle.Il sera mis en examen et renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale. Son procès s’est donc ouvert ce lundi 8 février 2016, mais ses avocats ont comme objectif évident d’utiliser toutes les ficelles possibles pour le faire reporter.
Henri Wilno