C’est peut-être le plus grand danger : que l’état d’exception permanent s’impose et devienne habitude. à force de fouilles des sacs en tous lieux, à force de patrouilles incessantes, à force de déploiements policiers qu’on n’interroge même plus, à force de reportages sur les menaces terroristes...Vendredi 4 mars, alors que les flics gazaient et matraquaient des réfugiés à République à Paris et que ceux-ci résistaient, des militaires ont fait leur arrivée sur la place. Qui s’en étonne ?
Parce que l’état d’exception permanent avance aussi en rafale... légalement. Alors que l’introduction de l’état d’urgence et de la déchéance de nationalité dans la Constitution va désormais être discutée au Sénat, l’Assemblée a voté, en première lecture, ce mardi 8 mars le projet de réforme pénale.
Assignations à résidence facilitées, peines de prison incompressibles, surveillance sur internet, tout va dans le même sens, celui de l’introduction de l’état d’urgence dans la loi. Le mot serait savoureux s’il n’était tragique : un « régime d’irresponsabilité pénale » bénéficiera aux policiers, gendarmes, militaires et douaniers qui auront fait usage de leur arme en cas « d’absolue nécessité », non seulement contre quelqu’un qui vient de commettre un crime mais aussi qui pourrait « tenter d’en commettre » un. Un véritable « permis de tuer » pour les forces de l’ordre.
Aucune limite...
Cela prend tout son sens quand deux amendements visant à contrôler quelque peu les flics, ont été repoussés : la mise en route automatique des vidéos lors de tout contrôle et la mise en place d’un récépissé à chacun de ces contrôles.
Pour s’y opposer, Cazeneuve a déclaré : « Évitons d’envoyer aux forces de l’ordre, dans un contexte extrêmement difficile pour elles, le signal d’une suspicion ou d’une interrogation quant aux conditions dans lesquelles elles assument leurs responsabilités »... Il a aussi repoussé, malgré les chiffres accablants produits notamment par une étude du CNRS, toute accusation de contrôles au faciès, expliquant que ceux-ci étaient « marginaux ».
Bref, il ne faut surtout aucune limite au pouvoir des flics, les mêmes qui votent à plus de 50 % pour le FN...
N’attendons pas des morts...
Dans le même temps, des armes sont en train de leur être livrées. Les cow-boys de la BAC, pourtant régulièrement épinglés pour leurs pratiques violentes et racistes, vont bénéficier de nouveaux fusils d’assaut ! On est désormais loin des polémiques sur les armes dites « non létales » (taser, flashball, etc.)... Non seulement ces fusils sont de véritables armes de guerre (notamment utilisées en Afghanistan) mais l’avantage mis en avant par le ministère de l’Intérieur, c’est qu’elles peuvent tirer en rafales !
Ce samedi 12 mars, une journée de mobilisation contre l’état d’urgence est appelée dans toute la France par les deux collectifs nationaux, Nous ne céderons pas et Stop état d’urgence. Des rassemblements et manifestations sont prévus dans de nombreuses villes1.
En rafale ou en routine, ne laissons pas l’État policier entrer dans nos vies pour nous les prendre. C’est maintenant qu’il faut bouger.
Denis Godard
- 1. A Paris une manifestation partira à 14h de Saint-Michel à l’appel du collectif Stop état d’urgence pour rejoindre un rassemblement devant le Sénat appelé par le collectif Nous ne céderons pas.