Entre pouvoir médical, morale judéo-chrétienne et austérité à l’hôpital, il est décidément bien difficile de faire avancer le droit de mourir dans la dignité en France. Soulager les douleurs de fin de vie, peut-être, mais pour ce qui est d’accorder aux individus le droit de choisir leur mort, et leur en fournir les moyens, le chemin semble encore long du côté de l’Assemblée nationale.
Chaque année en France, il y a autour de 7 000 à 8 000 euthanasies, qui se font dans le silence, laissant seuls face à leurs décisions médecins et équipes soignantes. Pourtant la population est massivement favorable à l’euthanasie. Dans un sondage Ifop réalisé pour l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, 96 % des personnes interrogées sont favorables à ce que « la loi française autorise les médecins à mettre fin, sans souffrance, à la vie des personnes atteintes de maladies insupportables et incurables, si elles le demandent ». Mais l’Assemblée vient encore de rater une occasion de rattraper le retard français en matière de droit à mourir dans la dignité.
Obstruction parlementaire
Cinq ans après la loi Claeys-Leonetti, qui ouvrait enfin la porte à la sédation profonde et continue, pouvant aller jusqu’à la mort, mais qui refusait toujours l’euthanasie active, le débat est rouvert à l’Assemblée par une proposition de loi présentée par Olivier Falorni, du groupe Libertés et Territoire. Mais aussitôt refermée en raison de l’obstruction des milliers d’amendements déposés par cinq députés LR, au grand soulagement hypocrite du gouvernement, qui ne voulait pas de ce débat, comme l’a reconnu Olivier Véran. Le projet de loi ouvrait enfin la possibilité d’une « assistance médicalisée active à mourir » pour « toute personne capable et majeure », « en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable […] provoquant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu’elle juge insupportable ». Une position partagée à l’Assemblée, par delà les courants politiques, puisque l’amendement qui reprenait ces éléments a été largement adopté, 240 pour et seulement 48 contre. Mais le débat a dû s’arrêter à minuit, comme il est de règle pour les niches parlementaires. Le texte n’a donc pas pu être adopté, et il ne sera pas représenté par le gouvernement. Un gouvernement qui préfère botter en touche, en promettant une augmentation du budget des soins palliatifs, et en annonçant enfin l’autorisation en médecine de ville du midazolam, un puissant sédatif autorisé depuis la loi Claeys-Leonetti de 2016 pour la sédation profonde.
Soulager la souffrance ne suffit pas toujours
Les soins palliatifs sont les parents pauvres de la médecine, victimes de la faiblesse de la formation médicale sur le sujet, de la faiblesse du travail d’équipe en médecine de ville. Victimes aussi du Covid-19, qui a vu beaucoup de patientEs âgés mourir seuls et sans réel accompagnement. Mais surtout victimes de l’austérité, organisée par les gouvernements, dont celui de Macron-Véran ! 26 départements ne possèdent pas d’unité de soins palliatifs et seulement 30 % de la population y a accès ! Même l’Inspection générale des affaires sociales est obligée de reconnaître que « le déficit en personnels spécialisés en soins palliatifs persiste voire s’aggrave ». Alors promettre, pour demain, une augmentation des budgets ne serait pas du luxe. Mais si l’amélioration de la prise en charge en soins palliatifs, pour prévenir et soulager les souffrances psychiques et physiques des personnes en fin de vie, est indispensable pour les personnes, les familles, et les équipes soignantes épuisées, cela ne répond pas à l’ensemble des questions. Soulager la souffrance ne suffit pas toujours. Certaines personnes souhaitent aussi le droit de choisir leur mort, leur ultime liberté. Une liberté qui gagne du terrain. Après le Bénélux, la Belgique, ce sont l’Italie, l’Espagne et le Portugal qui viennent récemment de voter des lois qui autorisent « la mort médicalement assistée ». On attend toujours une loi visant à légaliser l’euthanasie, le suicide assisté et qui assure vraiment un accès universel aux soins palliatifs.