Publié le Mercredi 16 août 2023 à 08h56.

Le front unique des délinquants : réunir la classe contre l’ordre capitaliste

Le mardi 27 juin à 8h16, la police nationale a une fois de plus endeuillé une famille : cette fois, c’est un jeune homme de 17 ans, Nahel Merzouk, qui a été abattu d’un tir à bout portant, dans la tête, au cours de ce qui n’aurait dû être qu’un contrôle routier. Son meurtre a suscité une émotion considérable : tout d’abord, parce qu’il s’agit de la mort d’un adolescent, et d’autre part parce que cet assassinat a été diffusé à large échelle à travers la vidéo prise par une passante et relayée sur les réseaux sociaux.

 

Aussi atroce que soit sa mort, la commisération et le deuil auxquels elle oblige, ses circonstances obligent également notre organisation à déduire de la possibilité même de ce meurtre les coordonnées de la période pour mieux agir, pour ne pas renvoyer la mort de Nahel à un événement tragique, mais bien à un signe qui éclaire la conjoncture. Comme l’écrivait Trotski dans son autobiographie : « L’empirisme borné, une attitude simplement rampante devant le fait [est] odieux. Au-dessus des faits, je cherchai des lois. […] Dans tous les domaines sans exception, je ne me sentais capable de me mouvoir et d’agir qu’à condition de posséder un accès aux généralisations. Le radicalisme social et révolutionnaire qui devint la ligne médiane de ma vie spirituelle, et pour toujours, vint précisément de cette aversion intellectuelle pour tout ce qui est lutte mesquine, empirisme, pour tout ce qui, d’une façon générale, n’est pas idéologiquement formé, n’est pas établi par la théorie. »1

L’analyse des révoltes – dont on ne proposera pas un résumé d’étapes factuelles, qui ne correspondrait qu’à un constat empirique borné – mais plutôt la mise en perspective des facteurs subjectifs qui ont permis l’émergence d’une contestation à large échelle et leur transcription objective dans la totalité sociale. Nous suivons en cela la méthode de Lukàcs, qui rappelle dans Histoire et conscience de classe la priorité logique de l’action politique sur la transformation des conditions matérielles d’existence : si les lieux de travail ne sont pas les espaces des révoltes urbaines, la transformation matérielle des territoires qu’elles induisent est indéniablement concrète.

Cette mise au jour des facteurs subjectifs de la révolte nous permettront d’établir les perspectives qui se dessinent comme les possibles et les obstacles à la transcroissance des révoltes à partir même de nos objectifs révolutionnaires.

 

Les révoltés et leurs soutiens : l’articulation des espaces

Les révoltes urbaines correspondent à l’expression directe du soulèvement consécutif à la mort de Nahel. Sans médiation ni mobilisation, la solidarité est dans les quartiers une évidence.

 

La mobilisation affective : l’identification et le rôle de la famille

Les révoltes urbaines sont fondées sur une dimension communautaire majeure. Le terme de « communautarisme », utilisé pour stigmatiser les raciséEs et leurs appartenances culturelles, comme leurs mouvements politiques doit être regagné (reclaimed) : la communauté désigne, dans la philosophie politique classique comme chez Marx l’association concrète des hommes – en amont de la contractualisation des relations, et de l’abstraction politique2. Le communisme que nous visons est précisément la réinstauration de ces rapports concrets en remplacement des rapports abstraits libéraux : la communauté doit donc être revendiquée comme base subjective du communisme.

Or la communauté est précisément le rapport politique des concernés entre eux : Nahel est mort en conduisant un jeune de sa cité à l’examen du brevet3. Il était accompagné de deux autres jeunes, eux aussi mis en danger par la conduite du policier. Les images de la violence gratuite de l’interpellation du passager de la voiture sont éloquentes : les mains en l’air, un adolescent noir est « balayé » par un policier pour lequel il n’existe pas de déontologie devant les racisés.

Ces adolescents racisés furent les acteurs principaux des révoltes. Comme l’explique Fabien Truong, « Ce sont des garçons du même âge que Nahel, qui réagissent de manière intime et violente pour une raison simple : cette mort aurait pu être la leur. […] Chaque adolescent de ces quartiers garde en mémoire des souvenirs d’altercations avec la police. Les contrôles d’identité désagréables et répétés en bas de chez soi sont humiliants, génèrent du stress et nourrissent, à la longue, un profond ressentiment. […] Ces jeunes se disent qu’ils sont contrôlés pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils font. »4. Ainsi, quand Nahel est qualifié de « grand frère du quartier », il faut bien comprendre littéralement l’élargissement de la sphère familiale aux amis proches, mais également à ceux qui partagent une communauté de destin : l’identité au sein du groupe apparaît ainsi comme le vecteur d’une solidarité qui dépasse les interrelations, et même la dynamique d’entraide. La communauté est ainsi irréductible à une solidarité concrète et dépasse le potentiel même de la coopération socialiste.

 

Les femmes, redresseuses des torts du racisme systémique

De façon plus prégnante encore, la figure de la « maman de Nahel » sera fondamentale pour orienter le mouvement social : apparaissant directement aux côtés d’Assa Traoré, et appelant à une « marche blanche de la révolte »5, elle légitime l’embrasement des banlieues. C’est la famille qui appelle au soulèvement : l’intime rejoint le politique, y compris dans le deuil. Parallèlement, l’enthousiasme de Mounia dans le mouvement populaire lors de la marche blanche sera maintes fois récupéré pour délégitimer son rôle de mère et réduire le débat politique à des menées sexistes et réactionnaires, et défaire les sympathies naissantes dans la société pour le mouvement de révolte.6 C’est donc bien le rapport à la famille qui est ici en jeu, qui, dans la continuité du fait communautaire, se présente comme un geste d’amour authentique qui se manifeste comme fusionnel et inconditionnel. Mounia Merzouk, comme Assa Traoré et Amal Bentounsi avant elle, réaffirment leur attachement indéfectible à la défense de leurs hommes, de leurs frères ; et c’est cette puissance de l’amour féminin qui participe à mobiliser les foules et à construire les mouvements antiracistes. Le Front de mères, fondé en 2016 par Fatima Ouassak, rejoint la même logique. Il est par conséquent urgent de réviser et complexifier, sans l’abandonner, la condamnation traditionnelle de la famille par l’extrême gauche qui l’étiquette comme institution patriarcale ou castratrice : elle apparaît manifestement comme le lieu d’une subjectivation militante incontournable dans les quartiers populaires, et plus particulièrement dans les espaces où la racisation fait des hommes les premières cibles de la violence répressive de l’État.

 

Les soutiens extérieurs et l’introduction d’un mouvement social plus large

Le mouvement spontané des révoltes urbaines a été particulièrement massif : 553 communes ont été agitées, plus de 2 500 bâtiments dégradés, 6 000 véhicules incendiés7. Ces nombres inédits manifestent la vigueur de la mobilisation dans les quartiers populaires : les banlieues les plus proches de Paris, densément peuplées, ont été parmi les plus massivement mobilisées. Globalement, on y retrouve quatre espaces principaux, dès la nuit du 28 juin : autour de Paris, autour de Lille, autour de Lyon, autour de Nantes. Pour autant, si la comparaison avec les émeutes de 2005 a été souvent faite, le mouvement s’en est distingué cette fois par sa brièveté, six jours, soit la moitié de la période des émeutes de 2005, et par son extension géographique. Les zones rurales, concernées, comme Saint-Florentin dans l’Yonne, renvoient aux mêmes populations : des raciséEs stigmatiséEs dans les grands ensembles.

La violence de la répression est l’analogue de la réponse apportée aux révoltes de 2005 : la même procédure de pénalisation-sanction, les mêmes déploiements massifs des forces de l’ordre. Les interdictions des manifestations contre les violences policières s’insèrent ainsi dans le même dispositif, quoi qu’elles doivent être tempérées par l’interdiction des manifestations des collectifs en soutien aux policiers, comme l’association Femmes des Forces de l’ordre en colère. L’arrestation violente du frère d’Adama Traoré et de Samir Elyes, identifiés comme les organisateurs du comité Adama, manifeste la volonté d’afficher la fermeté d’un exécutif qui n’entend pas rechercher l’apaisement. Cette stratégie d’intransigeance souveraine s’intègre pleinement dans la présidence Macron, au libéralisme autoritaire de plus en plus affirmé.

Notre soutien spontané, immédiat et inconditionnel aux révoltes est la marque d’une réelle progression : la gauche s’est massivement mobilisée lors des marches organisées, ainsi que dans l’organisation des rassemblements de soutien devant les mairies, notamment appuyés par notre propre mobilisation dans ces cadres. Elle est parvenue à renforcer la convergence établie laborieusement durant les mouvements pour les retraites, entre partis et syndicats, et à l’étendre aux mouvements sociaux. Nous pouvons nous féliciter de cette transformation des dynamiques, et des évolutions de notre camp : en 2005, la plupart des organisations de gauche s’étaient montrées passives. Nous nous étions nous-mêmes peu manifestés, et avions affirmé ne « pas savoir comment prendre le mouvement. »8 De plus, la composante islamophobe de l’analyse des émeutes a globalement été absente : en 2005, les révoltes se généralisent après le jet d’une grenade aux abords de la mosquée Bilal de Clichy-sous-Bois, et les commentateurs y voient la manifestation d’un embrasement islamiste, malgré les appels au calme des organisations musulmanes.

C’est pourtant la convergence entre les mouvements écologistes et les mouvements antiracistes, notamment ouverte par l’appel lancé par le comité Adama en 2020 à Attac et Alternatiba à les rejoindre pour leur marche à Persan, qui retient l’attention des mouvements antiracistes les plus impliqués.9

L’interdiction de la marche du comité Adama, depuis le 8 juillet, aboutit à la mise en œuvre d’initiatives transversales de lutte contre les violences policières, et nous participons pleinement à son édification. L’organisation commune qui se dégage semble pouvoir être à même d’offrir les commencements d’une résistance organisée à la répression, qui jusque-là s’abattait ponctuellement sans pouvoir rencontrer de contre-pouvoir.

 

Dépasser l’articulation passive : des pistes pour penser la constitution d’une totalité militante

Si notre ligne politique est désormais plus nette qu’en 2005, il est indéniable que le constat d’une véritable difficulté à faire corps avec le mouvement nuit à notre participation active. La crainte de récupération, partagée par l’ensemble des composantes de la gauche radicale jusqu’à l’extrême gauche, et une implantation insuffisante parmi les raciséEs et dans les quartiers populaires ont participé à nous situer dans une posture d’accompagnement et non pas d’initiative. Celle-ci n’est pas satisfaisante : le respect de la différence des vécus, et de l’incommensurabilité des vies soumises au danger permanent de l’abus de pouvoir sont des fondamentaux qu’il nous importe de conserver et de renforcer, mais pour autant, il est nécessaire d’affirmer la spécificité d’une solution communiste aux enjeux posés par le mouvement.

 

Tous extérieurs : les révoltes urbaines et leur espace

L’impression d’illégitimité qui est supposée justifiée par la composition des mouvements ouvriers devant les espaces racisés doit être combattue concrètement. Elle est une expression de la fragilité blanche, qui devant la provincialisation de son langage militant, préfère se replier : extérieures aux quartiers populaires, étrangères à leur réalité, les organisations blanches attendent d’être sollicitées pour pouvoir dialoguer.

Une analyse concrète de ces soulèvements ne manifeste-t-elle pourtant pas l’extériorité au mouvement comme la structure même des révoltes urbaines : les familles, en première ligne des collectifs militants, compréhensifs de leurs enfants, ne tentent-elles pas elles-mêmes de tenir leurs enfants à distance de la lutte ? Durant le mouvement, la participation ou même les diffusions dans les quartiers populaires sont apparues pour beaucoup d’entre nous comme suspectes d’opportunisme : mais manquer une échéance majeure n’est-il pas davantage le signe d’une forme de résignation à l’isolement, des quartiers populaires comme de notre parti ?

C’est au contraire, en acceptant d’une part de tirer des leçons et des enseignements des mouvements des concernés, et d’autre part en se proposant d’entrer dans un dialogue militant que la construction des enjeux peut enfin être collective. Cela implique bien sûr d’être capables de se faire les héritiers de ces mouvements. À cette fin, les médiations sont nécessaires : là où la « convergence » manifeste des points de vue séparés, le concept de médiation, enraciné dans la dialectique marxiste, permet de penser des étapes à la construction d’un mouvement commun. Le modèle des Soulèvements de la Terre, accueilli dans les dialogues avec les mouvements antiracistes témoigne de la pertinence d’une méthode militante spécifique d’hybridation : ils ont en effet organisé un fonctionnement composite, visant à intégrer les différents participants à leur mouvement en respectant leurs traditions militantes. C’est une esquisse de ce que nous pouvons engager nous-mêmes.

 

Le délinquant contre la propriété privée : la révolte et le pillage, aux origines des révolutions d’hier et de demain

Dans cette perspective, l’altérité des quartiers populaires doit être questionnée : comme le met en évidence Édouard Soulier dans son article « Marxisme et racisme » (page 22 de ce numéro) la supposition d’une altérité radicale dans les quartiers populaires se place directement du point de vue d’un mouvement qui serait toujours a priori blanc. Il reproduit dès lors le prisme raciste et condescendants des mouvements du XIXe siècle, plaçant le communiste dans une position de surplomb.

Pourtant, les « révoltes », telles qu’on a voulu renommer les destructions et appropriations urbaines, font partie de notre tradition, et sont même directement liées à la contestation même de la propriété privée, laquelle est au cœur du projet communiste. S’opposer à la délinquance comme dépolitisante, c’est en réalité souscrire au partage du politique opéré par le pouvoir légal.

Dans son classique de 1975, Surveiller et Punir, Michel Foucault montre que la figure du « délinquant » est inséparable du développement du capitalisme industriel, qui a pour objectif de combattre l’adhésion populaire à la transgression des règles de propriété féodales10. En effet, l’Ancien Régime associe la propriété à un titre et à un statut, et les grandes propriétés féodales sont fréquemment transgressées par le contournement des règles du prélèvement des taxes, notamment, aussi bien que par l’usage des ressources des féodaux : les illégalismes sont dès lors de l’ordre de la fraude. Avec l’individualisation des titres de propriété et l’accumulation du capital, les illégalismes apparaissent plus directement comme du vol, et sont distingués de la fraude, jugés cette fois intolérables et passibles d’emprisonnement : les pénalités très lourdes, et l’appel à la fermeté des instances publiques à la suite des « pillages » et des « saccages » des bâtiments publics doivent donc être replacés dans cette tradition.

Le délinquant, c’est donc d’abord la figure qui conteste la propriété privée, et ensuite apparaît comme le membre indocile et dangereux des classes populaires – précisément pour combattre leur résistance spontanée à la misère que cette captation représente. Dans son analyse, Michel Foucault repère la convergence entre les illégalismes populaires et les mouvements révolutionnaires du long XIXe siècle.11 Plus intimement, la fameuse maxime « la fin justifie les moyens » était employée par les bolcheviks non seulement pour justifier le recours à la violence politique, mais aussi pour justifier des financements délictueux de ses activités. La délinquance, donc, fait partie intégrante de notre identité politique.

Il est donc majeur de combattre et de questionner dans notre classe notre rapport à la délinquance : les « délinquants » des révoltes urbaines et les « casseurs » autonomes des manifestations s’en prennent directement à la propriété, et opposent la violence contre les biens à la violence politique et économique de l’État et du Capital. Si quatre tonnes de mortiers ont été saisies en une semaine par les forces de l’ordre, c’est bien que les révoltés préparaient leurs assauts. Comme le rappelait Lukàcs dans Histoire et conscience de classe, si le prolétariat ouvrier est révolutionnaire pour Marx, ce n’est pas tant par ses qualités propres que parce qu’il n’a rien à perdre. Opposant la force de l’État à la force directe des destructions matérielles, les révoltés ont infligé au Capital et à l’État les coûts que les grévistes fantasment : le 3 juillet, le Medef chiffre à 1 milliard les pertes pour les entreprises occasionnées par les destructions. Dès lors, dans une période d’escalade de violence du pouvoir répressif, comment pourrions-nous nous passer d’une telle force ?

Point de romantisme : il est tout aussi nécessaire d’être lucide sur le caractère anticapitaliste de ces révoltes : si elles font indéniablement partie du mouvement social et de notre camp, par leur origine, leur fondement et même par leur adversaire, elles ne manifestent pas tant une opposition au capitalisme qu’une adhésion à ses promesses. Les objectifs de sobriété que peuvent promouvoir les mouvements anticapitalistes contemporains sont éloignés des idéaux de réussite et d’ascension sociale, de sortie des quartiers et de la stigmatisation sociale, de la hess, et des représentations idéalisées de la richesse et du pouvoir, souvent associées aux success stories des rappeurs et des footballeurs.

Il est donc nécessaire d’entreprendre un travail de popularisation de l’hypothèse communiste en l’inscrivant dans la continuité même des modes de vie communautaires. C’est par la mise en évidence concrète de l’association du communisme aux solidarités communautaires que la liaison peut se constituer. C’est avec l’ambition d’une communauté effective – et non pas appuyée sur des rapports antagoniques dont les expériences intimes de chacun mettent en évidence le caractère délétère – que l’espérance communiste peut retrouver les masses. Là encore, les enseignements issus du mouvement antiracistes sont majeurs : l’organisation du Black Power, dans les années 50, met en évidence l’expérience de la lutte et la force acquise dans les luttes quotidiennes des Noirs tout en insistant sur la nécessaire acquisition d’une discipline politique et d’une éthique militantes intransigeantes. Si l’on sait les insuffisances concrètes du mouvement, les dispositifs fréquemment usités dans nos rangs en vue de l’inclusivité de touTEs doivent être proposés comme des moyens de construire cette transformation éthique.

 

Conclusion : pour une dialectique des quartiers populaires, le Parti, le délinquant et la mère

En conclusion, la séquence associée à la mort de Nahel met en évidence un ensemble de possibles : la mise en évidence d’une force capable de s’opposer au capitalisme est patente. Elle est un magma capable de se soulever et d’embraser le pays en vue d’une transformation révolutionnaire. Ces forces sont instables, et sont encore éloignées de notre propre organisation : les surgissements aléatoires des révoltés et délinquants sont à la fois une faiblesse actuelle et une opportunité, celle d’enfin participer à une structuration commune de nos potentiels révolutionnaires. Il nous faut organiser la rencontre trop longtemps différée et reportée entre ces jeunes, nouveaux avatars du prolétariat, et l’expérience politique du parti. C’est l’initiative politique qui devra décider de son advenue. L’opposition entre la révolte et la révolution n’a jamais été si spécieuse : nos adversaires, quand ils accusent l’extrême gauche d’avoir fomenté des révoltes qu’elle n’a fait que soutenir, perçoivent de plus loin que nous un possible. Les analyses de nos adversaires ne sont pas un délire, ils sont un miroir ; de même que le Capital se construit par l’analyse des catégories mêmes du capitaliste en vue de l’émancipation du prolétaire.

Si cependant le renversement est possible, il apparaît aujourd’hui sans horizon : la direction est pourtant essentielle tant au succès de la mobilisation, qu’à l’accomplissement de nos buts politiques. C’est avec l’humilité de l’expérience historique des échecs de tout substitutisme qu’il nous faut envisager la reconstruction de notre identité politique, en embrassant les espaces de l’intime dont nous sommes désormais convaincuEs qu’ils ne sont rien d’autre que politiques et incandescents, pour enfin établir le dépassement de la contradiction entre les masses par l’amour révolutionnaire.

  • 1. Trotski, Ma vie, éd. Folio, p. 118
  • 2. Dans L’idéologie allemande, Marx oppose ainsi la communauté réelle à la communauté illusoire constituée par l’État ; dans la Question Juive, il met en évidence le caractère concret de la communauté religieuse par opposition à la communauté abstraite que constitue la citoyenneté et s’oppose donc à l’antinomie de l’une et de l’autre.
  • 3. « Nahel, c’est son grand frère du quartier. Il a tout de suite proposé à mon fils de l’emmener passer les épreuves du brevet » - https://www.leparisien.f…
  • 4. https://www.lemonde.fr/i…
  • 5. https://www.lepoint.fr/j…
  • 6. https://www.huffingtonpo…
  • 7. https://www.lemonde.fr/s…
  • 8. Le Goaziou, Véronique. « 2. La classe politique française et les émeutes : silence et déni », Quand les banlieues brûlent... Retour sur les émeutes de novembre 2005. Édition revue et augmentée, La Découverte, 2007, pp. 36-57.
  • 9. Dans une interview récente au Média, c’est ce qu’affirme Fatima Ouassak, qui a fondé en 2021 Verdragon, la maison de l’écologie populaire. Elle réaffirme la nécessité de voir la sollicitation politique venir des concernées, vers les organisations traditionnelles de la gauche : la priorité ici donnée aux mouvements écologistes manifeste la fragilité de nos liens politiques avec elleux, et la nécessité de prendre en charge de façon plus active leur intensification - https://www.youtube.com/…
  • 10. C’est précisément ce que le texte sur le vol du bois documente chez Marx. Cf. Bensaïd, Daniel. Les dépossédés. Karl Marx, les voleurs de bois et le droit des pauvres, La Fabrique Éditions, 2007.
  • 11. On pourra consulter la brève synthèse de Frédéric Gros par commodité pour appréhender les concepts foucaldiens : « Foucault et “la société punitive” », Pouvoirs, vol. 135, no. 4, 2010, pp. 5-14. Foucault, Michel, Surveiller et punir, pp.318 – 322, Gallimard, 1975.