La période est marquée par la violence sociale qui pénètre par tous les bouts, qui finit par toucher la grande majorité de la population. Jusqu’où, jusqu’à quand ?
Il y a évidemment cette crise économique qui date, mais qui s’approfondit, un véritable rouleau compresseur, avec un chômage qui fait des ravages et qui tue (surmortalité), une précarité et une pauvreté qui se généralisent, avec ces 3 millions d’enfants qui vivent sous le seuil de pauvreté. Le résultat des incessantes attaques gouvernementales qui ont pour conséquence des remises en cause profondes du droit du travail, de l’égalité ou de la démocratie sociale. Un gouvernement au service (ce n’est pas original) d’une rapacité patronale sans limite, aux objectifs (affichés ou non) très larges : remise en cause du salaire minimum, du CDI et des 35 heures, suppression de nouveaux jours fériés, démantèlement des prud’hommes, des CHSCT, de l’inspection du tra- vail... Autant d’outils et de droits qui protègent encore un peu aujourd’hui les salariéEs.
Qui sème la misère...
À cela s’ajoute la remise en cause des services publics, leur marchandisation, leur disparition dans les zones rurales comme dans les quartiers populaires. Un démantèlement qui représente de véritables attaques contre les salariéEs et les usagerEs. Là encore, une véritable agression contre les hospitalierEs ou les postierEs, avec des réductions d’effectifs, des attaques contre les temps de repos, alors que les conditions de travail sont déjà très dégradées... Des moyens sans cesse enlevés au nom de déficits à réduire ou de dettes à résorber. Les réformes se succèdent et s’empilent, comme dans l’Éducation nationale, détruisant toujours un peu plus les services rendus à la population, fragilisant toujours plus les plus démuniEs.
Ces derniers jours, c’est le traitement fait aux migrantEs, aux réfugiéEs, à toutes celles et ceux qui fuient la misère ou les guerres dans leurs pays (Soudan, Érythrée, Syrie...). L’Europe forteresse les considère comme des envahisseurs et se blindent pour les refouler. En France, le gouvernement refuse de les accueillir avec humanité, les chasse et les pourchasse de manière musclée, et s’attaque y compris violemment à leurs soutiens. Le temps des colonies est encore là. Le pouvoir joue avec un climat de remontées des préjugés racistes et xénophobes qui divisent et affaiblissent le camp des exploités. La répression s’étend à l’ensemble du mouvement social, vise toutes celles et tous ceux qui résistent, qui cherchent à s’opposer aux injustices, à l’austérité. Une répression systématique, organisée, qui frappe consciemment, une sorte de politique préventive contre la colère sociale. Alors le gouvernement fait intervenir sa police violemment, gaze les hospitalierEs qui manifestent, frappe les migrantEs, tue dans les quartiers populaires et agresse les jeunes « zadistes » à Sivens ou à Notre-Dame-des-Landes, il utilise aussi sa justice pour faire condamner des militantEs ou des syndicalistes à des fortes amendes et même à des peines de prison. Une répression utilisée aussi par le patronat – public ou privé – qui révoque, comme à La Poste, ou qui licencie les militantEs syndicalistes qui s’opposent aux reculs sociaux.
... récolte la colère !
La violence de cette société, c’est enfin cette richesse indécente des possédants, ces dividendes, ces profits, ces revenus, et ces exils fiscaux qui explosent. Des richesses qui sont celles volées par les grosses fortunes, accaparées par les capitalistes, détournées de l’intérêt général. Les richesses existent bel et bien... alors qu’on nous dit qu’il n’y aurait pas les moyens d’accueillir des migrantEs, de maintenir les services publics, de loger correctement les 9 millions de gens mal ou pas logés du tout...
Nous avons toutes les raisons de nous révolter, de relever la tête, de retrouver le chemin des luttes collectives, « tous ensemble ! » La politique du gouvernement, la rapacité des patrons, sont telles qu’elles pourraient bien provoquer rapidement la colère et la mobilisation de la population. Le mouvement des hospitalierEs parisiens qui dure depuis plusieurs semaines, la manifestation pour la défense des services publics à Guéret le week-end dernier, le rassemblement à Bure contre le centre d’enfouissement de déchets nucléaires dimanche 7 juin, les nombreuses résistances même isolées qui ont lieu en ce moment, sont autant de raisons d’espérer.
Oui un changement du rapport de forces est possible, rapidement même. Mais il n’y a aucun automatisme: la révolte ne viendra pas toute seule, sans qu’on la prépare, que l’on reconstruise le mouvement social, que nous reprenions confiance dans nos forces. Nous savons que c’est urgent, souhaitable, nécessaire... et possible !
Philippe Poutou